 On commence seulement à découvrir l’œuvre de Boris Papandopulo, compositeur majeur des balkans occidentaux, et probablement le plus important musicien croate du XXe Siècle. Son écriture claire éclate d’une enivrante lumière au long du Concertino in modo classico, dont un Dinu Lipatti, compositeur d‘un concerto assez proche en son esprit, n’aura pas dédaigné. Le lyrisme de l’Aria rappelle que Papandopulo était aussi un mélodiste né, mais comment résister à la virtuosité de la Tarentelle finale, avec ses accents de lautari ? Les œuvres réunies ici par Oliver Trendl et ses amis témoignent toutes de la générosité de cet art qui magnifie les mélodies populaires en les vêtant d’habillages harmoniques savoureux. Ecoutez le lyrisme qui déborde la Fantaisie pour piano et violon (je pense plus d’une fois aux œuvres de Pancho Vladigerov en l’écoutant, la même veine), les étonnantes formules orientalisantes qui donnent à la Rapsodie concertante ses couleurs si épicées. Les deux œuvres pour trio, datant de la dernière période du compositeur, ne sont pas aussi convaincantes, hétérogènes à force d’empiler des styles différents, mais le Concertino, la Fantaisie, la Rapsodie, vous donneront envie d’en savoir plus sur cet « illustre inconnu ». (Discophilia - Artalinna.com) (Jean-Charles Hoffelé)  Quel étonnant et prodigieux chambard musical offrent ces œuvres chambristes du génial compositeur acrobate croate (il y a tout "croate" dans le mot "acrobate"), descendant d'un aristocrate grec et fils d'une cantatrice idéalisée par Thomas Mann dans son Docteur Faust — ce Boris qui fait feu de tout bois. Un formidable carnaval, où genres, formes et rythmes se traversent et se déterritorialisent, où néobaroque, néoclassicisme, néoromantisme et néonéo se donnent rendez-vous de façon imprévisible, se laissent bousculer par la tradition folklorique balkanique (premier mouvement — entre autres — de la rapsodie concertante), que le jazz secoue ça et là, et vont même jusqu'à flirter avec des bouts de réalisme socialiste déjanté comme il faut. Cette musique est dotée d'un formidable pouvoir d'évocation visuelle, filmique, théâtrale (ouverture du trio lyrique). Parodie, bouffonnerie, pasquinades, humour, grotesque, dérisoire, ne sont jamais loin, quand ils n'occupent pas carrément les devants. Entre fausse naïveté, fausse sagesse, ingénuité feinte, visée didactique ( cf. le concertino in modo antico), on vous glisse un épisode méditatif, une rêverie, des langueurs ou des lenteurs qu'une tarentelle frénétique vient ensuite endiabler. Il y a là du Chostakovitch sans tragique, du Poulenc et du Stravinski déhanchés de toutes les façons, mimétisme festif entre instruments. Le rideau se lève, se baisse quand on ne s'y attend pas, des bribes sont ingénieusement tissées en un habit d'Arlequin pour tréteaux (mouvement de Danse du trio lyrique), des clins d’œil suggestifs ou appuyés fusent, une fantasmagorie un peu tordue surgit. Et tout semble spontané et comme improvisé Quelle parade et quelle motorique! Cette musique est servie par des interprètes dont l'engagement, l'élan, la complicité s'avèrent exemplaires. Saisissant. (Bertrand Abraham)

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