 Son premier album osait la mise en regard de trois univers qu’il faisait plus proches qu’on ne l’aura cru, pour son deuxième album un seul monde, et quel ! Si jeune s’engager dans les paysages et les pensées des trois dernières Sonates pourrait être un défi. Christian Sandrin laisse cela loin derrière lui, son piano si modelé, son clavier si simple, si naturellement chantant, sa palette si subtile (le piano d’un peintre) prend un autre chemin, plus rêveur, moins escarpé. Dès l’Andante de l’opus 109, un lautari s’invite, qui chante pour les étoiles. Ces manières d’aède sont servies par un pianisme d’une folle élégance, qui se garde bien de souligner. Clavier fluide, sans marteau (un secret de pianistes roumains, de Dinu Lipatti à Radu Lupu en passant par Valentin Gheorghiu), de jeu de pédale qui élargit soudain l’horizon, tel des panoramiques entraperçus au long d’un voyage qui unirait les trois sonates d’un seul geste. Mais après la Fugue de l’Opus 110, on se voit projeté comme au-delà même de l’Arietta. L’oreille se demande, qu’est-ce ? Le souvenir d’un Quatuor s’invite, c’est la Cavatina de l’Opus 130, comme Carl Tausig l’apprivoisa pour son piano, merveille si peu courue, méditation qui introduit un espace nocturne avant le portique Maestoso de l’Opus 111. L’ultime Sonate pour finir tendra au même éther. Admirable disque-voyage d’un pianiste qui m’étonne de poésie, si naturellement chez lui en ces sommets. (Discophilia - Artalinna.com) (Jean-Charles Hoffelé)  Cet enregistrement du jeune pianiste roumain Cristian Sandrin (1993) propose la trilogie habituelle des dernières Sonates de Beethoven, judicieusement agrémentée ici de la transcription de la Cavatine du treizième Quatuor à cordes Op. 130 par Carl Tausig (1841-1871). Cristian Sandrin est lauréat de nombreux concours nationaux et internationaux. Il a également suivi les cours de maîtres de Angela Hewitt, Pascal Devoyon, Yevgeny Sudbin, Kathryn Stott, Françoise Thinat, Natalia Troull, Naum Grubert, Jenny Zacharieva, Fulvio Turissini, Justin Oprean et Imogen Cooper, ce qui lui assure d’intéressants quartiers de noblesse, d’ailleurs authentifiés par Artalinna Mag du 1er août 2023 pour son enregistrement d’œuvres d’Enescu-Ravel-Scott (AR043). Qu’il nous soit cependant ici permis de tempérer ces louanges dans un programme qui demande sans aucun doute d’autres qualités que celles jusqu’ici vantées de son fini pianistique et de son « nuancier raffiné d’une palette de peintre ». Il est bien des manières de s’approprier Beethoven et ses dernières sonates, certaines s’élèvent jusqu’à la définition d’un style : Schnabel, Backhaus, Kempf, Arrau, Annie Fischer, Bishop-Kovacevic, Brendel, Pollini, tandis que d’autres demeurent dans la manière. C’est un peu ce que donne à entendre ici notre interprète, qui met ses beaux moyens pianistiques au service d’une lecture personnelle certes, mais qui en prend à son aise avec les indications de tempi et de nuances de la partition. Dommage. Beethoven n’en ressort pas plus grand tant la puissance tellurique de sa rigueur structurelle est ici morcelée au gré des instants. On entendra certes saillir çà ou là des détails qui retiendront l’attention un instant, mais qui nuisent à la solidité de chacun de ces trois édifices. La ligne mélodique soignée de la Cavatine rend mieux justice à ce parti pris dérangeant que l’on aurait du mal à définir comme une esthétique. À découvrir par et pour les contrastes. (Jacques-Philippe Saint-Gerand)  Once the greatness of Beethoven’s output is set aside and we delve deep into the emotional essence of this music, we realise there is an abundance of expressive features that lie hidden between the lines. Beethoven wrote very precise directions, extremely advanced for his times, yet it is clear that his indications alone are certainly not enough to bring his music to life. There are so many shades of piano, as much as there are variations in the ways an artist creates the impression of crescendos, sotto voce and infinite ways in which we conceive the effect of mit inningsten Empfindung. The Beethoven's scores are rife with recurring themes, intricate motivic relations, that wait to be discovered, fragments of melodies that repeat across shorter or longer spans of music. An artist must use these recognisable elements, infuse them with a certain individual expression, to construct the narrative, a psychological journey about becoming and the multitude of tormented and life affirming emotional states that are there as part of the transformative process. We speak of Beethoven’s Piano Sonatas by comparing them with his orchestral or string quartet music. It is for this very reason that I have included Tausig's rarely played arrangement of Beethoven's String Quartet No. 13 here, in my piano solo album. I like to imagine that Beethoven composed parts of the string quartet No. 13 seated at his piano, the topography of the piano being at the very inception of these phrases intended for the strings. The middle section is reminiscent of the Arietta of his Piano Sonata in A flat major op. 110, bearing numerous similarities in the mood suggested by the key of A flat minor, similar idiosyncratic articulation instructions appear in the melody too. This short piano arrangement, Kavatine, is an epilogue to the serenity of op. 110 but is also the path leading to the unfathomable harmonies of op. 111.

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