Johann Sebastian Bach (1685-1750)
Suite orchestrales
Concertos Brandebourgeois
Concertos pour violon en la mineur, BWV 1041
Concerto pour violon en mi majeur, BWV 1042
Concerto pour violon en ré moneur, BWV 1043
Concerto pour clavecin en ré mineur, BWV 1052
Concerto pour clavecin en mi majeur, BWV 1053
Concerto pour clavecin en ré majeur, BWV 1054
Concerto pour clavecin en lamajeur, BWV 1055
Concerto pour clavecin en fa mineur, BWV 1056
Concerto pour clavecin en fa majeur, BWV 1057
Concerto pour clavecin en sol mineur, BWV 1058
Concerto pour clavecin en do mineur, BWV 1060
Concerto pour clavecin en do majeur, BWV 1061a
Concerto pour clavecin en do mineur, BWV 1062
Concerto pour clavecin en do majeur, BWV 1061
Concerto en ré mineur, pour 3 clavecins, cordes et basse continue, BWV 1063
Concerto en do majeur, pour 3 clavecins, cordes et basse continue, BWV 1064
Concerto en la mineur, pour 4 clavecins, cordes et basse continue, BWV 1065
Concerto en la mineur, pour clavecin, violon et flûte, BWV 1044
Concerto en ré majeur, BWV 1050a
Concerto en fa majeur, pour haitbois d'amour, cordes et basse continue, BWV 1053R
Concerto en la majeur, pour hautbois d'amour, cordes et basse continue, BWV 1055R
Concerto en sol mineur, pour hautbois, cordes et basse continue, BWV 1056R
Concerto en ré mineur, pour hautbois, cordes et basse continue, BWV 1059R
Concerto en ré mineur, pour hautbois, cordes et basse continue, BWV 1060R
Sinfonia en ré majeur, BWV 1045
Concerto en ré mineur, pour violon seul, cordes et basse continue, BWV 1052R
Concerto en sol mineur, pour 3 violons, cordes et basse continue, BWV 1056R
Concerto en ré mineur, pour 3 violons, cordes et basse continue, BWV 1064R

Isabelle Faust, violon
Christoph Poppen, violon
Muriel Cantoreggi, violon
Jean-Claude Gérard, flûte
Ingo Goritzki, hautbois
Robert Levin, clavecin
Jeffrey Kahane, clavecin
Michael Behringer, clavecin
Boris Kleiner, clavecin
Mario Videla, clavecin
Oregon Bach Festival Orchestra
Bach-Collegium Stuttgart
Helmut Rilling, direction

La réédition de toute la musique orchestrale de Bach enregistrée chez Hänssler vient avec pertinence nous rappeler à quels niveaux se situèrent l’enjeu et l’envergure de l’intégrale dont ce coffret est extrait. Les qualités que nous y redécouvrons viennent également confirmer le sentiment qu’elle n’a encore aujourd’hui rien à envier à celle que Warner fit paraître simultanément dans le cadre de l’année Bach en 2000. Mieux, les deux intégrales se complètent. Leurs différences sont d’emblée perceptibles, et appréciables par les mélomanes qu’enthousiasme la pluralité des approches. Près d’un siècle d’édition phonographique témoigne d’ailleurs éloquemment qu’il n’y a point de compositeur au monde pour lequel cette pluralité ait autant repoussé ses propres limites. Les musiciens de l’Orchestre de chambre du Festival Bach de l’Oregon et du Bach-Collegium de Stuttgart jouant sur instruments modernes nous communiquent toute la jubilation du jeu concertant dans des phrasés pleins de contrastes et de vivacité. Ces orchestres se distinguent de la plupart des ensembles « baroques » par leur sens des nuances et leur élégance, mot qui recouvre plusieurs sens : du raffinement, nous nous élevons fréquemment vers l’élégance de ce qui flotte en apesanteur. Le second terme précise le premier, laissant entendre la véritable direction prise par les deux vaisseaux dont Helmut Rilling régule le mouvement et le rythme sur la profondeur d’investigation envisagée avant le départ. L’apesanteur ne peut être prise pour de l’inconsistance quand l’élégance est d’essence morale. L’humilité et l’intégrité motivent ainsi la vigilance suivante : nulle expression arbitraire légitimée par une quelconque nécessité de l’effet dionysiaque ne viendra saper des fondations telles que l’importance accordée à chaque voix ou la subtilité de la respiration que le contrepoint de rythmes et de mètres fait plus que suggérer à l’interprète. Ce qui définit, génère et préserve le mouvement est l’interaction permanente entre les pupitres entraînant le sens de l’agogique et non la frénésie née de la seule pulsation métronomique correspondant aux indications de mesure. Rarement une interprétation aura si bien fait entendre ce principe. La souplesse de la battue participe de cette sérénité de la plénitude des lignes et de leur cheminement. Le miracle d’équilibre de l’écriture est audible à chaque instant car épargné des travers d’une objectivité sans musicalité, d’un respect confortable d’une tradition ou encore de la séduction du dionysiaque évoquée plus haut. Se situant par ses dimensions chambristes dans la lignée de Redel, Ristenpart et Marriner, le classicisme de Rilling les surpasse par sa fraîcheur et sa présence encore plus vivante. Ce classicisme que l’inventivité permanente préserve de l’académisme ne rejette ni les cadences personnalisées ni les accélérations de tempo dès lors qu’elle ne nuisent pas à la cohérence du discours. Transcendant la discipline de leur art en l’illuminant d’un sourire, d’une spontanéité irrésistible, d’une grâce de l’instant, les prestations de solistes tels que Robert Levin ou Isabelle Faust ne peuvent qu’enchanter l’auditeur. A l’image de cette proximité bienfaisante, la prise de son claire et aérée rend justice aux timbres et aux fréquents renouvellements de carnation des textures, ces chairs que l’esprit du contrepoint anime. Outre les reconstitutions de versions originales (violon, hautbois) des concertos pour clavier, quelques pièces rarement sorties de leur contexte initial (Sinfonia BWV 1045) viennent ajouter à l’attrait de cette somme. Du livret fourmillant de précisions sur la genèse et l'évolution des œuvres, le sérieux et l’érudition font regretter l’absence de traduction. (Pascal Edeline)