 Après 12 fantaisies pour traverso (1732-1733), Telemann publia en 1735, 12 fantaisies pour violon et un même nombre pour la viole de gambe, alors même que cet instrument, qui avait été particulièrement joué et prisé en France, tombait en désuétude. Une copie de ces dernières — qu'on pensait irrémédiablement perdues — a été retrouvée en 2015 à Osnabrück. R. Smith est le 3e gambiste à enregistrer l'œuvre, après leur (re)découvreur, Th. Fritzsch, puis, récemment, Paolo Pandolfo. Ces pièces magnifiques, caractérisées par leur grande variété, leur inventivité, la richesse des affects contrastés — et parfois juste esquissés — qu'elles expriment, sont rendues ici avec art, goût et bonheur. R. Smith en donne une lecture intimiste, plutôt apollinienne. S'il rend justice à l'espèce de dialogue permanent qu'entretient dans ces œuvres la viole avec elle-même, s'il donne à l'auditeur l'impression de percevoir comme une sorte de jeu subtil de questions et de réponses de deux instruments en un seul, son approche, somme toute « allemande », reste à mon sens, trop sage, trop policée, et d'une certaine façon, trop éthérée. Celle de Pandolfo, proprement dionysiaque, pleine de contrastes, de surprises, de fureur, de saveurs, de rugosité, et follement française, (rendant en cela justice au caractère foncièrement cosmopolite de l'œuvre du compositeur) va plus loin. Le grain de l'instrument — aurait dit R. Barthes — y est plus immédiatement perceptible. Un beau disque, mais qui offre une lecture un peu retenue. (Bertrand Abraham)

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