Igor Stravinski (1882-1971)
Œdipus rex, opéra-oratorio en 2 actes

Michel Piccoli (récitant)
Thomas Moser (Oedpius)
Jessye Norman (Jokaste)
Siegmund Nimsgern (Kreon, Bote)
Roland Bracht (Tiresias)
Alexandru Ionita (Hirta)
Männerchor des Bayerischen Rundfunks
Symphonieorchester des Bayerischen Rundfunks
Sir Colin Davis, direction

La réédition de cet Œdipe Roi par le label Orféo est une bonne surprise de rentrée. Enregistrée à Munich en 1983 par le marmoréen Sir Colin Davis, cette version bénéficie avant tout d'une équipe de chanteurs prestigieuse (Moser, Norman, Nimsgern). L’œuvre de Stravinski est représentative de l'esthétique du compositeur. Radicalement éloigné de tout expressionnisme, vérisme ou psychologisme, cet Œdipe Roi ne doit rien à Freud mais tout à Jean Cocteau son co-auteur. L'écrivain à sa façon aussi objective que sarcastique, présente le drame comme un théâtre de statues antiques que l'on dirait tout droit sorti des toiles de Chirico. Présentée pompeusement par un récitant (Michel Piccoli), l'action se déroule comme une fatalité car il n'existe ici ni libre-arbitre ni échappatoire dans cet univers ordonné par le fatum. Rien à voir avec l'écriture grisante ramuzienne de L'histoire du Soldat, l’œuvre est une suite d'instants musicaux montés à la suite. Heureusement, les voix et le chant ici rachètent les coutures un peu trop visibles et la pesanteur déclamatoire du discours. La Jocaste de Jessye Norman est d'une pertinence indiscutable à la fois radieuse et vindicative, le wagnérien Nimsgern immense en Créon quant à Œdipe, Thomas Moser lui confère une aura magnétique. Ajoutez le rôle essentiel des chœurs visant à faire rebondir l'intrigue pour que la magie prenne et installe d'auditeur dans une écoute aussi palpitante qu'inattendue. (Jérôme Angouillant)