Kaikhosru Shapurji Sorabji (1892-1988)
Opus clavicembalisticum, KSS 5O

Daan Vandewalle, piano

John Ogdon et Geoffrey Douglas Madge seront-ils défiés dans le labyrinthe de l’Opus Clavicembalisticum par un nouveau minotaure ? Daan Vandewalle ne craint pas les abysses de virtuosité, la surabondance suractive de l’écriture, la complexification vertigineuse qui veulent embrasser une immensité de musique que le clavier n’avait plus connu depuis le geste bien tempéré de Bach. Tempéré, Sorabji ne le sera pas, épuisant les ressources de l’instrument, perdant l’auditeur dans cette selve hypnotique dont les toccatas trépidantes dissimulent des éthers cosmiques : l’Adagio de l’Interludium alterum, qui semble sous les doigts de ce virtuose poète comme un satellite détaché de la Hammerklavier, sera le moment le plus saisissant de cette nouvelle intégrale. Echappé de la folie des Fugues, les délires numérologiques apaisés, le plus secret de Sorabji se verse soudain dans ce piano où se dissolvent d’improbables gamelans. Magique, et ce le sera aussi sur tout le cycle, Daan Vandewalle ne saturant jamais l’instrument, faisant les lacis végétaux des Fugues mouvants et clairs, calant les rythmes avec exactitude, ce qui rend le massif perméable à l’harmonie. L’immense Passacaille par quoi se referme l’Intetludium alterum (44 minutes, la Cadenza II et ses Fugues seront son commentaire, déjà un univers en mode dégradé), son faisceau de variations où Sorabji aura tenté d’enclore ce verbe aventureux et insatiable, ont trouvé leur nouveau prophète. (Discophilia - Artalinna.com) (Jean-Charles Hoffelé)