 Sviatoslav Richter ne jouait pas forcément tous les "Miroirs" (mais il finit un jour par le faire), Tatiana Nikolayeva pas plus, Evgeni Koroliov, dans le très déconcertant disque Ravel qu’il vient de faire paraître n’en extrait que "La vallée des cloches" qui ouvre l’album, et des "Oiseaux tristes" quasi silencieux. Pourtant c’est comme si tous les "Miroirs" sinon "Alborada", leur secrète poésie, leur gout un peu japonais de l’étrange, s’y étaient infusés, et dans tout le disque d’ailleurs on sent cette attirance vers le vide, ce son en abîme. Sommet, la Sonatine, pleine d’ombres, plus tragique que lyrique, dont l’élégance a quelque chose de constamment inquiet. Qui la jouait ainsi, si proche justement de leurs voisins les "Miroirs" ? Personne je crois bien. D’autant que Koroliov lui enchaîne "Le gibet" de "Gaspard de la nuit", puis ces "Oiseaux tristes" qui eux aussi semblent se balancer au bout d’une corde. "Ma mère l’oye" avec Ljupka Hadzigeorgieva apporte un peu de rêve, surtout pour "Le jardin féérique" qui ouvre sur de vraies merveilles, alors que "Les entretiens de la belle et la bête" grinçaient leur valse alentie. Mais le désespoir sinistre du "Petit poucet", sa marche esseulé, et la "Pavane de la belle au bois dormant", aussi funèbre que celle pour l’infante qui clôt le disque ? Si ce n’est pas chercher et trouver chez Ravel la part d’ombre, cette nuit sans rémission qui éclatera dans le Concerto pour la main gauche et que son piano a toujours renfermée… Bémol, les "Valses nobles" et sentimentales ne sont pas au même degré de perfection que ce soit pour les doigts ou pour la poésie, alors même que Koroliov n’avait qu’a en susciter les fantômes, mais non, une pudeur le retient, une certaine aspiration au formel que déjà ses Debussy démasquaient. On n’est pas si grand pianiste sans avoir ses prisons (Discophilia - Artalinna.com). (Jean-Charles Hoffelé)  Evgeni Koroliov isn't the kind of musician who prefers to concentrate on previously unrecorded music. His specialty lies in discovering something new in well-known works. This is particularly true in this collection of pieces by Maurice Ravel. He immerses himself in the music without any extravagance, adding nothing to the score. Nevertheless, Koroliov always manages to make the music sound fresh to our ears. In Ma Mère l'Oye, Ljupka Hadžigeorgieva harmoniously completes this process of re-creation.
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