Giacomo Puccini (1858-1924)
Madama Butterfly, opéra en 3 actes

Barno Ismatullaeva, soprano (Cio-Cio-San)
Annalisa Stroppa, mezzo-soprano (Suzuki)
Edgaras Montvidas, ténor (B.F. Pinkerton)
Brian Mulligan, baryton (Sharpless)
Taylan Reinhard, ténor (Goro)
Omer Kobijak, ténor (Prince Yamadori)
Stanislav Vorobyov, basse (Le bonze)
Hamida Kristoferssen, soprano (Kate Pinkerton)
Unnsteinn Arnasson, basse (Le commissaire impérial)
Bregenzer Festspielchor
Prague Philharmonic Choir
Wiener Symphoniker
Enrique Mazzola, direciton
Andreas Homoki, mise en scène

"Madama Butterfly", opéra de l’intime, supporterait-elle les immensités de Bregenz ? Finement Andrea Homoki contourne l’écueil, réfugiant sa mise en scène subtile dans des épures d’estampes, créant des images merveilleuses qui ne sont pourtant jamais vides : leur esthétisme participe d’une lecture supra-élégante qui n’oublie jamais la direction d’acteur, l’apport de la vidéographie est tout sauf gratuite, renforçant l’impact du spectacle qui réserve à la scène finale une sacrée surprise, je vous laisse la découvrir. Et la musique ? La direction d’Enrique Mazzola vive, colorée, évitant le pathétique, est un modèle que poétisent des Wiener Symphoniker allégeant tout pour le bonheur d’une belle troupe de chant. Oui, Barno Ismatullaeva refuse à Cio Cio San le contre bémol stellaire de son entrée, mais son grand soprano corsé donne à la geisha une stature loin de l’image d’Épinal des petites femmes pucciniennes. Elle ira au Seppuku les yeux grands ouverts, c’est assez magnifique, cela semble aussi venir d’une autre époque vocale. Héroïque vocalement et veule psychologiquement Edgardo Montvidas est le Pinkerton du moment, on le sait bien, mais il faut aussi louer une distribution finement choisie, de la Suzzuki d’Annalisa Stroppa au Sharplesse de Brett Polegato. Deux surprises : le Bonze effrayant de Levente Pall, et la si juste Kate de Sabine Winter qui me rappelle ce qu’y osait la jeune Gundula Janowitz. Vous ne devez pas bouder cette nouvelle Butterfly. (Discophilia - Artalinna.com) (Jean-Charles Hoffelé)

Madame Butterfly est de ces chefs-d’œuvre immunisés contre les « relectures » des metteurs en scène contemporains. Transposée hors du Japon et sans le choc de civilisations avec les Etats-Unis d’Amérique, l’argument n’a plus aucun sens. Andreas Homoki livre une mise en scène conforme au livret, en évitant l’écueil de la japoniaiserie, et ne trahit ni sa culture d’origine, ni l’œuvre elle-même. Il exploite avec intelligence l’immense scène lacustre de Bregenz qui ne convient pas a priori à cet opera intimiste, émaillant sa vision de quelques jolies trouvailles que je vous laisse découvrir. La scène d’entrée de Cio Cio San trouve la soprano Barno Ismatulloeva en délicatesse avec l’aigu, puis les qualités fondamentales de la voix reprennent le dessus dans le duo du I avec le tenor Edgaras Montvidas : deux timbres d’une beauté ensorcelante et parfaitement assortis pour un véritable concours de legato. L’attendu Un bel di vedremo et la scène finale sont d’anthologie. A la tête de Wiener Symphoniker en grande forme, Enrique Mazzola exalte les richesses de l’orchestre puccinien. Une soirée magnifique – même pour l’auteur de ces lignes qui s’est toujours ennuyé à Madame Butterfly - une publication qui s’imposait. (Olivier Gutierrez)