La Première Sonate? Non, la redoutable Deuxième où Schumann précipite ses fantaisies les plus sombres dans un tourbillon d’hallucinations dès les premières mesures : « So rasch wie möglich » exige-t-il. Dans cette frénésie, Fabian Müller instaure pourtant un ordre, faisant chanter dans le chaos, et jouant clair pour faire tout entendre de la tempête. Cette maitrise qui dompte sans rien mettre à distance unifie les quatre mouvements, Andantino pris au tempo giusto où parait dans les timbres de la main droite une soprano, Scherzo sur les pointes, qui retrouve un ton de carnaval, final incertain, hésitant, comme Schumann l’aura initialement noté : Fabian Müller joue la version originale, et la rend évidente jusque dans son agogique si complexe. Le jeune homme aurait pu rester chez Schumann, mais comme en postlude de la Sonate il ajoute les deux Rhapsodies de Brahms, ce compositeur qu’il aime tant et auquel il avait dédié son précédent album. L’Agitato est joué en lumière, sans guère de pédale, plus fébrile que tonnant, s’accordant à l’univers de Schumann, mais le thème central se pare des mystères sonores qui envahiront les derniers opus. Et c’est encore le chant qu’il exhausse dans la Deuxième Rhapsodie, préférant la ligne à l’éclat et la maitrise à l’esbroufe. Le son se creuse, le clavier s’amplifie pour le triptyque du Tombeau, la Cinquième des Pièces pour piano de Wolfgang Rhim, entre silences et déflagrations. L’Appassionata de Beethoven qui littéralement en découle semble emportée par la même puissance tellurique, mais la maitrise pianistique parfaite de Fabian Müller ordonne le discours et dans le finale évoque par la subtilité des couleurs, l’élégance inquiète des traits, ma maitrise millimétrée des dynamiques comme un souvenir de la Tempête. Et si demain il nous offrait d’autres Sonates ? (Discophilia - Artalinna.com) (Jean-Charles Hoffelé)
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