Nathan Milstein joue Beethoven Mendelssohn Brahms Tchaikovski et Bruch Concertos pour violon

Pour le trentième anniversaire de la disparition de Nathan Milstein, à l’âge fort avancé de quatre-vingt-huit ans, Urania Records réédite ses enregistrements de cinq concertos considérés comme des piliers du répertoire violonistique romantique. Avec deux orchestres différents — Pittsburgh & Philharmonia — et trois chefs distingués —Steinberg, Barzin, Fistoulari — Milstein, qui est alors au sommet de son art, propose des interprétations particulièrement représentatives de son esthétique général et du style de sa technique instrumentale. Doté de mains de relativement petite taille, Milstein tirait profit de l’extraordinaire souplesse de sa main gauche pour maîtriser parfaitement les traits les plus rapides demandés par les partitions. De même, obtenait-il la pureté reconnue de son intonation grâce à sa finesse de perception des harmoniques du violon. Son irréprochable technique d’archet était non démonstrative et semblait en quelque sorte couler de source depuis la base du message musical qu’il souhaitait transmettre. Ses doigtés très articulés lui permettaient en effet de jouer de l'archet avec une pression relativement faible et de longs coups glissés, ce qui donnait à ses interprétations un son chantant qui semblait provenir de l'âme même de son instrument. On se rappellera le credo de cet artiste qui, avant chaque récital, concert ou enregistrement, et devant chaque œuvre, voulait la restituer dans son intégrité et ne pas en gâter la portée. Échelonnés de janvier 1955 à Octobre 1959, avant le très beau récital que Milstein donna au Festival de Salzbourg le 31 juillet 1963 avec Walter Klien (Orfeo C 743 071B), ces enregistrements donnent à entendre un noble Concerto de Beethoven agrémenté de la cadence rédigée par Milstein lui-même ; un Concerto de Brahms puissamment dramatique ; un Concerto 0p. 64 de Mendelssohn ailé quoique Milstein n’y rivalise pas tout à fait en légèreté dans le dernier mouvement avec Aaron Rosand, Arthur Grumiaux ou Ray Chen ; un Concerto de Tchaikovsky dont resplendit la veine folklorique ; et enfin un premier Concerto Op. 26 de Bruch particulièrement dramatique. Le plaisir musical de l’auditeur serait parfait si Urania Records avait songé à doter ce double album d’un livret exposant les conditions de ces enregistrements ainsi que leur place dans le parcours de Milstein. Ce n’est pas le cas ; on s’en étonne et on le déplore. (Jacques-Philippe Saint-Gerand)