 En face d’une production aussi abondante et variée, il n’est pas aisé de composer le programme d’un enregistrement d’œuvres pour clavier de Mozart, tant est forte la tentation de s’attacher à une forme ou un genre particulier. On saluera donc d’emblée l’intelligence du choix fait ici par la fille du regretté Dimitri Bashkirov (1931-2021) et l’épouse de Daniel Barenboim. Deux sonates, des plus achevées mais aussi des plus contrastées, séparées également par deux fantaisies d’esprit et de ton tout aussi différentes, et enfin, pour quitter ce disque une série apaisante de six variations pleines de fraîcheur, tout cela ne compose pas un banal panaché, mais à l’instar de la déclinaison des couleurs d’un arc-en-ciel, propose bel et bien la traversée de paysages qu’on dirait parfois inspirés des ciels et des orages de Georges Michel (1763-1843). La Sonate en si bémol majeur, composée en 1783, est d’une clarté et d’une légèreté d’inspiration qui, en dépit des moments tragiques vécus par Mozart cette année-là, récuse tout pathos au profit du Cantabile de son second mouvement, à peine altéré par un passage en fa mineur avant de retrouver la simplicité d’un finale : Allegretto grazioso. Rien à voir avec le caractère passionné et même presque torturé de la Sonate en ut mineur, datée de 1785, portant l’empreinte de l’esthétique Sturm und Drang dont Beethoven s’inspirera clairement dans ses propres premières sonates pour le clavier. La Fantaisie en ré mineur, probablement datée de 1783-84, propose un kaléidoscope d’émotions alternant inquiétudes et enjouement. La Fantaisie en ut mineur, quant à elle, datée de 1785, conformément à sa tonalité, mêle agitation tragique et instants de tendresse grâce à un langage aussi libre qu'audacieux, qui, rapproché de la Sonate dans la même tonalité, ouvre la voie aux audaces du romantisme naissant. Les Six Variations du catalogue Köchel complémentaire 137 complètent cet enregistrement en laissant apparaître des atmosphères plus légères et lumineuses. L’interprétation affirmée et sensible d’Elena Bashkirova se montre ici parfaitement adaptée à la variété des sentiments exprimés par ces œuvres et au-dessus de tous éloges tant pianistiques que proprement musicaux. (Jacques-Philippe Saint-Gerand) Mozart is the purest of all musicians; he is music itself,” affirmed Claude Debussy. And where, if not in Mozart’s works for keyboard, could we find a more fitting example of utter clarity and purity in music? His keyboard output was vast, particularly in view of his short lifespan. The purity referred to by Debussy runs like a red thread through the selection of works by Mozart featured on this CD. Tender, exquisite melodies are what makes each one of these pieces so special. On the other hand, stunning virtuosity and any sort of grand gestures are kept in check. If virtuosity makes an appearance now and then, it is only with the purpose of providing brief contrast with themes and motifs that are utterly simple, yet at the same time magnificent – as if the composer wanted to give these very themes a chance to display their full charm...." Music historians long presumed that Mozart had written his Sonata No. 13 in B Flat Major K. 333 in Vienna around 1785. However, musicologist Alan Tyson recently provided convincing proof that Mozart must already have composed it in 1783 in Linz. The sonata is written on different paper than he used in Vienna.... Like dark thoughts flowing over a bed of melancholy, the opening arpeggios in Mozart’s Fantasia in D Minor K. 397 (written between 1782 and 1785) lead through a series of brief sighing motifs to the main theme, which, in turn, will soon and often be interrupted by passages in a series of changing moods: at times heavy and despondent, at others nervous and agitated.
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