 Si la musique de chambre occupe une place plutôt restreinte dans la production de Messiaen, la singularité de ce quatuor lui confère une place de premier plan. Son contenu (faisant référence au livre de l'Apocalypse) est, en un sens, l’illustration emblématique des conditions dans lesquelles il fut joué la première fois (dans un stalag de 30 000 prisonniers, dont Messiaen lui-même, en 1941, par un froid atroce, sur des instruments cassés) : n'a-t-on pas souvent vu dans la 2e Guerre mondiale une préfiguration de la « fin des temps » ? Au-delà de cet aspect "factuel" c'est une sorte de métaphysique de l'Infini du Divin qui sous-tend les 8 mouvements (ce chiffre, écrit horizontalement, représente l'Infini en mathématiques). Dans cette partition, élévation mystique et aspiration vers l'au-delà, jubilation de multiples oiseaux, l'emportent sur la fureur, l'éclat ou la désolation. La fin n'est pas le contraire de l'infini, mais la condition de son avènement. L'architecture et les principes qui la structurent transforment d'ailleurs le « temps musical » en infini : composition en arche, concordance entre certains mouvements, rythmes « non rétrogradables » ¬ (sortes de palindromes musicaux) participent à cette transmutation espace/temps/éternité ainsi que les couleurs sonores, chères au compositeur, les rythmes extra-européens, la nature dans sa symbolique métaphysique (Fouillis d'arcs-en-ciel VII). La présente version s'ouvre sur une Liturgie de Cristal plus douce, moins verticale que dans version EMI de 1991 entièrement supervisée par le compositeur avec Y. Loriod au piano. L'équilibre entre les instruments est différent : piano plus franc, plus incisif dans la version de 1991. L'intermède est en revanche plus contrasté ici, et le « fouillis d'arcs-en-ciel » est d'une grande beauté sonore et poétique : dans sa partie lente, le violon y a des couleurs saisissantes d'ondes Martenot comme c'est aussi le cas dans la lente, contemplative et superbe ascension vers l'extrême aigu du violon dans le dernier mouvement. Très belle interprétation, à la fois fouillée (on perçoit le détail le plus ténu) et décantée, qui mérite de s'installer parmi les versions de référence. (Bertrand Abraham)  “The work,” as Messiaen writes, “is directly inspired by the Revelation of St. John. Its musical language is essentially transcendental, spiritual, catholic. Certain modes, realizing a kind of tonal ubiquity in terms of harmony and melody, draw the listener into a sense of the eternity of space or time. Special rhythms, lying outside any sort of measure, contribute significantly toward the banishment of the concept of time (However, all this is mere striving and childish stammering if one compares it to the overwhelming greatness of the subject!). “This quartet contains eight movements. Why? Seven is the perfect number, the creation of six days made holy by the divine Sabbath: the seventh in its repose prolongs itself into eternity and becomes the eighth, of unfailing light, of immutable piece. “The four performers played on broken-down instruments: Etienne Pasquier’s cello had only three strings, the keys of my upright piano went down but did not always come up again. Our costumes were unbelievable: they rigged me out in a green jacket completely in shreds, and I wore wooden clogs..."

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