Le coffret que publie le label Nimbus se décline en chiffres : quatre disques pour fêter les soixante quinze ans de Martin Jones et son legs capital pour son écurie fétiche. Trente compositeurs : une sélection d'enregistrements réalisés entre 1973 et 2014. Cinq heures et onze minutes de musique. Pas moins. L'occasion de montrer la singularité de pianiste et l'originalité de son répertoire. En effet à part quelques noms connus, bien des compositeurs au programme sont peu fréquentés (Turina, Nin, Ducasse, Halffler) voire oubliés (Ducasse, Espla, Reizenstein, Ferrata, Hoddinott). Pianiste probe et perfectionniste, Martin Jones s'est spécialisé dans les perles rares et les éditions complètes. Les volumes Szymanowski, Monpou, Korngold et Grainger sont désormais des références dans nos discothèques. Comme ses pairs Piers Lane, Earl Wild ou Marc-André Hamelin, le pianiste britannique fait partie des ces pianistes virtuoses touche à tout. Il a une approche démiurgique du piano, capte et s'approprie le style pianistique de chaque compositeur. Sa technique lui permet d'aborder tous les répertoires. L'équilibre des deux mains fait que la partie basse du clavier est toujours parfaitement définie, une musculature des doigts qui lui permet de produire un son puissant tout en maintenant une ductilité dans le contrepoint et les passages virtuoses. Et toujours une souplesse et un raffinement dans le dessin de la ligne mélodique. Voilà pour la technique et l'interprétation. Cette compilation nourrie de morceaux courts, nous révèle le terrain de prédilection du pianiste : quelques aperçus dix-neuvième, (Brahms, Mendelssohn et Czerny) mais l'essentiel est du côté des modernes: l'Espagne largement défrichée (De Granados à Joaquin Nin), l'Europe Centrale, Vienne, Brooklyn, Martin Jones tricote un patchwork certes disparate mais séduisant par ses motifs et ses bigarrures. L'intérêt du coffret est dans l'assemblage. Relier Debussy (quelques études) à Albeniz, confronter Monpou à Guastavino, Gershwin à Korngold ou Stravinski. Chaque CD possède sa cohérence thématique. On ira fureter vers les arrangements décantés de Godowsky, Ferrata (une valse d'après Chopin), goûter le furieux Frohsinn de Busoni et se perdre dans les Variations Corelli de Rachmaninov, jouées sans afféterie. Hommage est rendu dans le second volume aux œuvres des compositeurs espagnols dont Jones détaille chaque manière, chaque rythme, chaque phrasé. Retrouver l'excentrique Percy Grainger, et le délicieux Jean Françaix rangés aux côtés de Szymanowski, de Hans Gàl (erratiques) et du méconnu Franz Reizenstein (renversantes variations sur The Lambeth Walk truffées de citations). La compilation se clôt en beauté avec deux œuvres avec orchestre : le bel Eclogue de Gerald Finzi et le deuxième concerto de Dimitri Chostakovitch. Au total, ces cinq heures de musique que l'on déguste au hasard de l'écoute (Conseil : branchez votre lecteur sur « lecture aléatoire ») nous montre un amour immodéré du piano, du voyage et de notre modernité. Précisons sur l'ensemble l'acoustique de silex si particulière à Nimbus. Les micros font ressortir plus la métallique des deux Steinway (Séries Ds) (marteaux) que le souffle des touches, la pédale et le galbé du jeu du pianiste. Happy Birthday mister Jones ! (Jérôme Angouillant) In the winter of 1979, just a few months after joining Nimbus Records and fresh out of Music College, I recall very clearly sitting in the control room, surrounded by boxes of analogue tapes containing the complete piano works of Mendelssohn played by Martin Jones. Nimbus founders, Numa Labinsky, Michael and Gerald Reynolds had, in the previous days, played me Martin’s unreleased recordings of the Variations Serieuses and Rachmaninoff’s Corelli Variations, and I was keen to discover if this incredibly fluent, muscular playing was typical of all his work. There was no disappointment; everything confirmed that here was a special talent, and a keyboard titan. At that date very few of the Mendelssohn recordings had been edited, despite having been made at various intervals over the previous nine years. Nimbus had moved from its Birmingham base in 1975 and was now preoccupied developing an LP pressing business that would enable it to release its own recordings. With nothing to lose, and no experience to give me pause for doubt, I offered to prepare the masters for the Mendelssohn, if someone would spare the time to show me how to use a razor blade. So it was that a few weeks later I phoned Martin, and told him that the Mendelssohn was done and he should come to Monmouth to listen. He probably didn’t believe me; after such a long delay he must have thought that ship had sailed. In fact the eventual release of the complete Mendelssohn would not happen until 1986 and on CD rather than LP. Nonetheless the flame was rekindled, and 35 years on from that phone call (45 counting from Martin’s first recording), we can look back o ver a musical partnership that is one of the corne rstones of the Nimbus catalogue. In addition to his contributions to the repertoire Martin has always been our ‘go-to’ performer for microphone tests and experiments. He helped with selection of new Steinway ‘Ds’ in 1995 and 2012, he has played for hours on end while we put new microphones through their trials, and when we assessed the acoustic properties of the new concert-hall at Wyastone Leys. He was the first person to make videos for Nimbus, and, as part of his birthday year, will initiate a video library of performances on-line. Martin has been witness to every step of Nimbus’s progress, and continues to be there to lend his support. This box set is our way of celebrating a major birthday, and an enduring friendship.
|