Le portrait d’une compositrice excentrique et non-conformiste à l’encontre du monde musical ultraconservateur de l’après-guerre en Angleterre. Un disque commémorant le centenaire de la naissance d’Elisabeth Lutyens (2006) et présentant des œuvres de la période créatrice médiane de la compositrice, les années 1950/1960. A travers une sorte de prélude, Présages, pour hautbois seul, suivi de quatre chorales, intercalées avec trois Trios , un choix délibéré de l’éditeur, Lutyens étant elle-même une grande passionnée de palindromes et de symétries bilatérales qu’elle utilisait souvent dans ses œuvres.  Elisabeth Lutyens, fille d’un fameux architecte, Sir Edwin Lutyens, et d’une mère aristocrate, Lady Emily, absorbée par la théosophie, choisit la musique comme moyen de s’auto-définir : « Tant pis si je n’avais aucun talent, je devais tout simplement en acquérir un. » A la suite de ses études conventionnelles à l’Ecole Normale de Musique de Paris et au Royal College de Londres, entre 1922 et 1930, Lutyens se lance dans la vie musicale londonienne, en tant que co-fondatrice d’une série de concerts. En promouvant un sérialisme idiosyncratique au début des années 1940, elle commence à réaliser sa vision radicale de la musique. Cela dit, ni son radicalisme, ni son sexe ne lui ont permis de se faire accepter par le monde musical conservateur anglais d’après-guerre. Durant plusieurs dizaines d’années qui ont suivi, Lutyens est obligée de gagner sa vie en écrivant des musiques pour la radio et pour le cinéma (dont la musique du film d’horreur de 1965, The Skull), tout en élevant quatre enfant et en entretenant son mari sans emploi. Mais au début des années 1950, Lutyens sent qu’elle arrive enfin à percer à travers une nouvelle intégration de la technique et de l’expression, comme toute une génération de jeunes compositeurs en plein émergence inspirés par son exemple, tels que Malcolm Williamson, Alexander Goehr et Richard Rodney Bennett. La période des années 1960 et le début des années 1970 a été marquée par des succès considérables de sa musique, malgré sa notoriété d’excentrique invétérée et ses soucis de santé. Elle a toutefois continué à composer copieusement jusqu’à la fin, tout en guidant des jeunes compositeurs tels que Alison Bauld, Brian Elias et Robert Saxton. Depuis sa mort en 1983, l’édition d’une biographie très recherchée, A Pilgrim Soul de Meirion et Susie Harries (Londres, 1989), ainsi qu’un intérêt nouveau dans sa consécration, l’ont imposée comme une des figures les plus marquantes de la musique du 20ème siècle. Bayan Northcott (traduction Andrei Mihaila)

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