Janácek Lettres Intimes - Sinfonietta - Sonate Pour Violon Et Piano

La joie enivrante de l’autonomie tchèque retrouvée éclate dans la fanfare qui ouvre – et clôt – la Sinfonietta de 1926. Les quatre autres volets mettent la ville de Brno en sons. Au programme de la visite : le château (où l’on n’attend pas tant d’entrain, sachant que la forteresse servait de prison aux Habsbourg), le monastère (Moderato nocturne qui se souvient du couvent où l’artiste passa quatre de ses jeunes années), la rue (bref Allegretto où la foule se presse nerveusement), et l’hôtel de ville (Allegro ambigu qui rappelle la crainte suscitée par l’occupant de trois siècles qui l’administrait encore il y a peu). Quelques semaines avant sa mort, Janacek revient sur son coup de foudre pour Kamila Stösslova, muse (platoniquement) aimée de trente-huis ans sa cadette. L’Andante initial de ces « Lettres intimes » ravive l’émoi de leur rencontre en 1917. Passé les vigoureux accords de violons sur tremolo de violoncelle et le trouble exprimé par l’alto sul ponticello, le quatuor expose le transport amoureux dans tous ses états (léger, ardent, inquiet, etc.). La souffrance consubstantielle à la passion résonne au coeur du deuxième mouvement, à la conclusion dramatique. D’une quasi-berceuse à ce que le musicien décrit comme un tremblement de terre, le Moderato débouche sur un finale perturbé, où la danse du refrain doit céder la place à des épisodes nostalgiques, mordants ou déchirés par de farouches coups de griffes. Saisissant. Changement de décor dans la Sonate pour violon et piano. Bombe à fragmentation mélodique, le premier mouvement brûle de la fureur qui secoue le monde en cette année 1914 où Janacek l’entame. Lyrique, la ballade qui suit n’empêche pas le retour de la violence dans l’Allegretto, coups de canon sur fond de ritournelle folklorique. Sans cesse interrompu par les pensées parasites d’un archet que la sourdine ne rend pas moins agressif, l’Adagio final culmine dans l’évocation de l’entrée des armées du tsar en Hongrie. Le Morave espère que ses frères slaves viendront libérer les Tchèques du joug viennois. Seule la défaite de la double monarchie en 1918 les mènera à l’indépendanceRien de moins démonstratif, chez Janacek, que Sur un sentier broussailleux, bouquet de pièces composées pêle-mêle sur trois périodes différentes (1900, 1908 et 1911). A l’harmonium, il confie d’abord Nos soirées, Une feuille emportée par le vent, Bonne nuit et La chouette ne s’est pas envolée. Cette chevêche qui reste à demeure annonce un malheur, dit alors la croyance populaire. Hélas, la prophétie s’accomplit : Olga, fille chérie du musicien, suivra bientôt son frère dans la tombe. Ajoutée parmi les dernières, Angoisse infinie se souvient sans doute des heures passées à son chevet.