 Dès la Berceuse de Dolly Paul Lewis et Steven Osborne nous font entrer par la magie des timbres dans un jardin merveilleux. Le lyrisme qu’ils infusent dans un programme rassemblant les pages majeurs de la littérature pianistique à quatre mains qui aura fleuri en France avant la première guerre Mondiale - la petite Sonate impertinente de Poulenc est l’œuvre d’un jeune homme qui l’écrit à la fin du conflit en 1918 - colorent en teintes subtiles des œuvres que j’aurai entendues jusque là en couleurs plus vives. Un mal pour un bien, lorsque les deux amis abordent les Epigraphes antiques, qu’ils jouent comme autant de mystères, musiques fascinantes et premier opus majeurs de l’ultime floraison créatrice du compositeur, écrits au bord de la Grande Guerre. Quelle lecture, pleine de timbres irisés, comme emplie de silences, admirable, tout comme leur Ma mère l’oye joué avec une sorte de tendresse désolée qui me serre le cœur. Un peu plus d’allant dans le Pas espagnol de Dolly, de fantaisie et de liberté dans la Petite suite de Debussy n’auraient pas déparé ce bel album qui exhume les rares Pièce faciles de Stravinski où celui-ci claironne et danse, pince sans rire, petites scénettes bien vues par ce duo d’une élégance folle et qui m’interroge : les affinités électives de Steven Osborne avec la musique française ne sont plus à prouver, mais la pudeur et la subtilité de Paul Lewis qui conduit le bal me laisse espérer que demain son clavier si châtié considérera Debussy et Ravel, mais cette fois avec ses seuls dix doigts. (Discphilia - Artalinna.com) (Jean-Charles Hoffelé)  "Délicatesse" est le mot qui surgit à l’écoute de ces interprétations nimbées des univers néoclassiques, néoromantiques et impressionnistes français (et un peu russes !). Les deux pianistes s’amusent sans perdre de temps dans Dolly et mieux encore, sans mièvrerie. Nul jeu compassé, mais le souci de la ligne claire, d’une "diction" précise avec Fauré. Un humour certain se fait jour dans l’esprit des pochades de la musique de salon de cette époque. Il faut un chic assuré pour terminer Le Pas espagnol de Dolly avec une verve "à la Chabrier". Plus âpre, tendu et presque bartokienne, la Sonate pour quatre mains de Poulenc n’aurait pas déplu au compositeur, jouée ainsi avec une saveur toute percussive. C’est brillant et ingénieux. Le montage du disque aurait dû les accoler aux Trois Pièces faciles de Stravinski. Leur déhanchement digne de Petrouchka est impeccable. Six Epigraphes antiques de Debussy sont joués avec une belle épaisseur sonore, sans assèchement et avec un goût assuré. Sans traîner, sans presser, tout est juste dans cette poétique de "faux antique", qui préserve la danse et le caractère énigmatique de l’écriture debussyste. Pièce de jeunesse de Debussy, la Petite Suite est, ici, joliment "orchestrée", virevoltante, rêveuse et piquante à la fois. Ma Mère L’Oye referme logiquement ce beau disque, avec autant de pudeur que de scintillements dans le finale. Comme nos amis d’Outre-Manche connaissent bien leur répertoire français ! (Jean Dandrésy)

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