 De taille plus modeste que "The Road" (9 disques – dont je vous parle par ailleurs), le double CD Nanosonatas en reprend l’élégant design en noir et blanc pour un coffret cartonné à peine moins épais. Frederic Rzewski (1938-2021) entame cette nouvelle écriture en réponse épistolaire à son ami Hideyuki Arata, physicien et pianiste amateur, qui le remercie, dans un article publié dans l’American Journal of Applied Physics, de leurs "précieuses discussions sur les moteurs nanomoléculaires" : ainsi naît la première Nanosonate, dont le résultat plaît suffisamment au compositeur pour continuer sur sa lancée, transformant l’essai en 56 miniatures pour piano, reliées en 8 livres – autant que pour "The Road", œuvre avec laquelle ce cycle partage aussi le goût de l’imparfait, la proximité avec la vie, ses rebondissements inattendus, à l’occasion impétueux ou absurdes, ou les deux. Ici, toutefois, les pièces, interprétées par Daan Vandewalle avec une conviction née de la complicité artistique qu’il entretenait avec le compositeur, sont courtes, fugaces : les éléments sont là mais ne se développent pas ; on semble aller quelque part mais on est arrêté en chemin. (Bernard Vincken) Composées entre 2006 et 2010, les Nanosonatas de Frederic Rzewski forment un cycle de 56 courtes pièces pour piano, réparties en huit livres. Conçues dans le prolongement de son vaste ouvrage The Road, ces sonates se tournent vers la concision, la retenue et une esthétique de l’inachevé. Chaque nanosonate offre un aperçu fugace — elle suggère de vastes idées, puis s’interrompt brusquement, comme un personnage de Tolstoï esquissé en quelques lignes. Malgré leur brièveté, les Nanosonatas présentent une remarquable diversité : des échos de Scarlatti, Schumann, Chostakovitch, des mélodies populaires, des chants de protestation, et même des gestes inspirés de la boxe composent un univers sonore riche et imprévisible. À la fois personnelles et philosophiques, elles revendiquent l’imperfection comme esthétique, refusant la clôture tout en méditant sur le temps, la mémoire et la fragilité. Rzewski considérait ces oeuvres comme parties intégrantes d’une tradition vivante du clavier — de Frescobaldi à aujourd’hui — et dans la continuité de la lignée des compositeurs-interprètes. Le pianiste Daan Vandewalle, l’un de ses plus proches collaborateurs et dédicataire de plusieurs pièces, en est un interprète d’une autorité singulière. Ses interprétations, nourries par des années dedialogue artistique, révèlent aussi bien la subtilité intime que l’élan radical de cette oeuvre maîtresse de la maturité. Composed between 2006 and 2010, Frederic Rzewski’s Nanosonatas are a cycle of 56 brief piano pieces, structured into eight books. Conceived after his vast work The Road, these sonatas focus instead on concision, restraint, and the poetics of incompletion. Each nanosonata offers a fleeting glimpse—suggesting larger ideas, then stopping abruptly, like a character in Tolstoy evoked in just a few lines. Despite their brevity, the Nanosonatas contain striking variety: echoes of Scarlatti, Schumann, Shostakovich, folk tunes, protest songs, and even boxing gestures all contribute to a vivid and unpredictable sound world. Deeply personal and philosophical, the cycle embraces imperfection as an aesthetic, resisting closure while reflecting on time, memory, and fragility. Rzewski saw these works as part of a living keyboard tradition—from Frescobaldi to the present— and a continuation of the composer-performer lineage. Pianist Daan Vandewalle’s performance, shaped by years of artistic dialogue with Rzewski, captures both the intimate nuance and radical spirit of this masterful late work.
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