 "Femmes de légende", selon Nareh Arghamanyan, soit !... Il existe effectivement dans cette anthologie une des sept pièces que Mélanie Domange, alias Mel Bonis, rare collègue de Debussy sur les bancs du Conservatoire, rassembla sous ce titre entre 1898 et 1913 en hommage à Mélisande, Desdémone, Ophélie, Viviane, Phoebé, Salomé, Omphale. "Nous empruntons, dit-elle, le titre de cet album pour rendre hommage aux compositrices de musique pour piano". Dont acte. Mais c’est trop facilement oublier sous cet intitulé le premier superbe enregistrement de cet ensemble (Ligia Digital (0103214-10, « Diapason découverte » 2010) par la discrète Maria Stembolskaya, lauréate acclamée du concours Busoni en 2003, et les travaux de Christine Géliot (arrière-petite fille de Mel), ainsi que du pianiste Laurent Martin qui ont tant agi pour la reconnaissance de ce vrai talent. L’heure n’était pas alors au féminisme exacerbé d’aujourd’hui. Depuis, grâce au Palazzetto Bru Zane, les perspectives ont été heureusement rétablies. Sous cet intitulé discutable, donc, la pianiste d’origine arménienne Nareh Arghamanyan réunit toutefois — en discordance avec le "Clara Schumann gewidmet" de Kathryn Schmidlin évoqué par ailleurs — une anthologie d’œuvres pour piano composée uniquement par des femmes : Chaminade, Senfter, Bon), Szymanowska, Lili et Nadia Boulanger, Fromm-Michaels, Schmitz-Gohr, Martines, Viardot-Garcia, Farrenc, Clara Schumann et Fanny Hensel. L’anthologie est intéressante parce qu’elle recouvre un empan chronologique considérable permettant de suivre l’évolution des formes et des goûts. On y retrouve la vigueur et l’ardeur que l’on connaît à Nareh Arghamanyan dans ses enregistrements de concertos de Katchaturian, Prokofiev, Liszt (Pentatone 5186510, 5186397), ou d’œuvres de Soghomon Soghomonian Komitas : une impétuosité vibrante qui confère indéniablement une singulière ferveur à ces partitions d’inégales valeurs. Saluons donc cette proposition engagée. (Jacques-Philippe Saint-Gerand)

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