 Pour Gabriel Fauré, la musique de chambre est "la véritable musique et la traduction la plus sincère d'une personnalité". Et la sonate pour violon et piano en tout premier lieu : sa première est le premier chef-d'œuvre d'un Fauré de trente ans, qui l'impose d'emblée comme un des plus remarquables compositeurs de son temps. Il vit alors dans l'espoir (qui se révèlera vain) d'un mariage avec Marianne Viardot. Quarante ans plus tard, au sommet de sa gloire, après une longue pause, il revient à la musique de chambre, et c'est avec sa seconde sonate qu'il inaugure cette dernière période. Mais c'est en pleine Grande Guerre qu'il l'écrit, et sa surdité devient totale. Sa première sonate donne à ce genre germanique une liberté d'allure et un lyrisme discret, en demies-teintes, typiquement fauréens. Le lyrisme de la seconde se teinte d'une certaine âpreté, avec des harmonies audacieuses, et une grande richesse contrapuntique. Le premier mouvement en particulier est tendu par une interrogation inquiète, même si le second est plus serein, et le troisième plus joyeux. Fauré ne s'intéresse pas beaucoup aux révolutions musicales menées alors par Debussy, Stravinski ou Schoenberg. Il préfère explorer à fond, jusqu'aux limites, les possibilités de la tonalité. Il ne crée pas un monde nouveau, son monde est bien à lui, et reste inimitable dans l'interprétation de ses sentiments intimes. C'est ce subtil nuancier que nous peignent Matthias Lingenfelder et Peter Orth. L'album est opportunément complété par quelques pièces de moindres dimensions, dont une "romance" animée par une passion fébrile, à la fois joyeuse et inquiète, bien dans la manière du "poète du demi-jour et de la pénombre" qu'évoquait Vladimir Jankélévitch. Un album nécessaire, qui nous révèle des chefs-d'œuvre moins connus que la première sonate, et d'une écoute constamment agréable. (Marc Galand)  Voici un enregistrement que tout mélomane fauréen écoutera et réécoutera avec plaisir. Les deux sonates, la première de 1875 (Fauré a 30 ans) et la seconde de 1916 (Fauré a 71 ans) en sont les pièces maîtresses. Dans la première en quatre mouvements s’annonce tout ce qui fait le charme de la musique fauréenne : fluidité des lignes mélodiques, charme indicible, joliesse thématique sans oublier la novation. Dans la seconde en trois mouvements, œuvre de maturité, l’enthousiasme juvénile est toujours bien présent mêlé à la douceur mélodique (andante) et au brio d’un finale magistral. À ces morceaux de bravoure s’ajoutent la Romance (1877) à la ligne chantante et la Berceuse (1880) au charme suranné, pièces « populaires » dans lesquelles le piano reprend son rôle d’accompagnateur. Deux compositions de moindre stature, Andante (1897) et un bref Morceau de concours concluent le programme. Fondateur du quatuor Auryn qui rayonnera de 1981 à 2022, Matthias Lingenfelder est un fidèle admirateur de Fauré qui a déjà enregistré avec Peter Orth les deux quintettes pour piano et cordes. Nous retrouvons ici leur respect pour l’écriture du maître français dans leur interprétation fluide, sensible et pleine d’affection. Une belle anthologie. (Gérard Martin)  Matthias Lingenfelder has always had a special affinity for French music due to his studies in Paris with Gérard Poulet, the son of Gaston, for whom Debussy wrote his violin sonata. Since 1995 at the latest, after the Auryn Quartet and Peter Orth had recorded the piano quintets of Gabriel Fauré, Primarius Matthias Lingenfelder and Peter dreamed of recording his works for violin and piano. Many years passed, years full of other experiences. In 2022, the Auryn Quartet ended its concert activities and with it the long-standing exclusive contract between Auryn and TACET came to an end. Before that, I wanted one last recording with them for the label, as a farewell, no matter what. That didn't materialise. But Matthias still had the desire and energy. And so did Peter! So what could be more obvious than finally realising their long-cherished wish? The result is a serene, mature, confident, virtuoso, sensitive and loving performance of this unconventionally beautiful repertoire.
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