Enjott Schneider Metamorphosen Hartmann Li - Wer5110 - Contemporary - by Wergo

Le compositeur Enjott Schneider prend l'habitude de composer ses programmes de façon thématique. Ce dernier CD intitulé Métamorphosen est construit sur la notion de détournement, d'emprunt, de palimpseste : Comment superposer sur une oeuvre du passé sa propre création ? Le compositeur en définit l'enjeu : "Les quatre œuvres de ce CD réfèrent à un modèle historique. Mozart, Mendelssohn, Schumann, Wagner sont les sujets d'une enquête musicale. Une enquête qui peut produire des réponses extrêmement intéressantes". En tout cas pertinentes comme toujours chez ce compositeur "arrangeur" de génie. Ainsi dans la pièce baptisée "At the Edge of Time" (Reflections about Mozart's Requiem) les citations sporadiques du Requiem de Mozart sont noyés dans un marasme orchestral digne de la bande originale d'un blockbuster hollywoodien. Il y a là pour Schneider de la jubilation à désacraliser une partition "incontournable" du répertoire pour justement la contourner d'une façon indubitablement virtuose. Le concerto pour cor anglais au titre délicieusement évocateur "Ein ewig Rätsel will ich bleiben", basé sur des leitmotives wagnériens nous plonge dans un bain orchestral tristanesque. La partition, fluide, fait la part belle au timbre si voluptueux du cor ("The sound color of death and erotic longing" selon Schneider), dressant un monument funéraire à Ludwig II à qui cette page est dédiée en guise d'éloge et d'épitaphe. Reposant sur un socle littéraire à connotation spirituelle (Heine, Luther) "Ein feste Burg" est avant tout un poème symphonique d'une grande sophistication de texture. Schneider y montre son talent d'orchestrateur. La dernière pièce "Robert Schumann-Gedanken" est un bel exemple de dissociation musicale, sections lyriques d'une riche polyphonie et passages atones expriment en alternance la personnalité conflictuelle de Schumann, partagée entre Eusébius et Florestan. Ajoutez à ce programme mirifique, l'interprétation sans failles de l'orchestre et des solistes. On l'a dit : jubilatoire ! (Jérôme Angouillant)