Eduard Tubin Musique de chambre T Ruubel Van Dijk Sink K Ruubel - MDG9032370 - SACD - par MDG

Du compositeur estonien Eduard Tubin (1905-1982), les chefs Neeme Järvi et Arvo Volmer nous avait permis de découvrir les 11 symphonies il y a un peu plus de 20 ans. Puis il y eu son ballet Kratt par Neeme ou Paavo Järvi (la suite) ou Arvo Volmer (le ballet intégral). D’autres œuvres sont petit à petit devenues accessibles en CD mais sa musique de chambre reste à pleinement découvrir et c’est à cela que s’emploie ce nouvel enregistrement. La pianiste estonienne Kärt Ruubel a rassemblé quelques musiciens (Triin Ruubel, sœur jumelle et violoniste, Theodor Sink, violoncelliste et Xandi van Dijk, altiste) pour présenter quelques œuvres à connaître (parfois inédites) qui illustrent l’évolution du compositeur. Les œuvres proposées furent écrites entre la fin des années 1920 et le milieu des années 1960. En 1944 l’Estonie fut reprise par les forces soviétique et comme nombre d’estoniens, le compositeur s’exila alors en Suède. Devenu suédois, il ne retrouvera son pays qu’au milieu des années 60. D’avant-guerre les musiciens nous proposent 4 pièces : un paisible sonnet (piano) qui sonne un peu comme un cantique ; un court sarcasme contrasté, entre burlesque et majesté ; le généreux et romantique quatuor pour piano et cordes (héritier de Brahms et Ravel) et la dense et tendue Ballade de 1939 (piano et violon) qui semble résonner du drame de l’Histoire. De la période de l’exil suédois date la sonate pour alto et piano et celle pour saxophone alto et piano, ainsi que la courte pastorale (alto et orgue), toutes œuvres jouées ici par l’alto et le piano. On regrette de ne pas entendre le saxophone dans la sonate de 1951, même si l’altiste adopte souvent un phrasé sans vibrato très proche de l’instrument original. L’œuvre laisse entendre comme un ressentiment dans le dialogue des instruments, voire une colère sourde. Mais peut-être est-ce notre connaissance de l’histoire qui nous la fait entendre… Kärt Ruudel tient à défendre la sonate de 1965 comme une œuvre majeure qui devrait avoir sa juste place dans le répertoire, même si l’on n’y trouve pas trace du dodécaphonisme ou de l’atonalité qui régnaient sur le monde de la musique en ces années. La démonstration est tout à fait convaincante et l’on se dit qu’avec le temps nous cesserons d’y entendre l’héritage de tel ou tel autre maître (Paul Hindemith par exemple) pour entendre la voix originale d’Eduard Tubin, sa maîtrise, sa diversité et sa sincérité. (Marc Ossorguine)