 Duende, vraiment ? Le ton de grande improvisation que Teo Gheorghiu donne à "Quejas a La Maya y el Ruisenor", avec ses ornements beaux comme des arabesques, rappelle que Granados fut un improvisateur qui laissait couler de sa plume des musiques pour ensuite les calligraphier au concert, ajoutant tout ce que l’humeur du moment lui suggérait. La "Suite Espagnole" d’Albéniz n’aborde jamais Grenade, mais il faut entendre comment le jeune pianiste la joue dans un clavier débordant de couleurs, en sonorités amples, avec du velours dans les doigts : sa Saeta, élégante et un peu nostalgique est une pure merveille, sa Sevillane racée, qui chante autant qu’elle danse, avec un alentissement fabuleux dans son centre, ne pâlirait pas face à celle d’Alicia de Laroccha ! Au centre de la Suite, il intègre les trois Préludes où Debussy peint son Espagne de fantaisie justement apprise chez Albéniz, jolie idée, mais joués peut être trop plein de son, comme avec un souvenir de Claudio Arrau, et aussi "l'Alborada del Gracioso" où cette fois, sous ses doigts, Ravel aura croqué un méchant, ironique, et qui prends le temps de dire sa sérénade grotesque : je ne l’avais jamais entendue ainsi. Puis retour aux instantanés d’Albéniz : la formule obsessive de "Leyenda" est hypnotique, prise dans un tempo insoutenable qui provoque une tension que peu y auront mise, avant que la "Fantasia", jouée très Chabrier ne fasse revenir la lumière, prodigieusement détaillée, en couleurs, en rythmes, en accents, conduisant à une "Seguedillas" pleine de guitares et de castagnettes. Les accords en vitrail du "Capricho", son chant beau comme un air d’opéra, conduisent soudain ailleurs, dans ce piano doré, si plein, si sonore, si profond. Magnifique pianiste dont je crois me souvenir d’un premier disque chez Sony où des Impromptus de Schubert m’avaient surpris en bien. L’album se clôt sur la "Danse rituelle du feu", on voit le cercle du guitariste, Candelas dansant dans la lueur du feu, Teo Gheorghiu évoquant l’invocation, jouant de son clavier pour faire voir les ombres et les lumières. Le Duende promis parait enfin. Fascinant, à l’image de ce disque qui révèle un tout grand pianiste. (Discophilia - Artalinna.com) (Jean-Charles Hoffelé)  There is a duality at play between the repetition of recording and the spontaneity and unpredictability of duende - and to summon duende, the process had to be as free and fluid as possible: all sessions built up to a final complete ‘recital’-take to capture the spirit of live creation. This was masterfully recorded by Jean-Martial Golaz - a magician of sound who effortlessly played the timeless acoustics of La Salle de Musique, La Chaux-de-Fonds to create a soundscape from another time. We intuitively found the golden balance to bring out the whispers of burning wind to the cries of flamenco from the old Steinway dating back to 1966 - the very same piano on which the great chilean pianist Claudio Arrau recorded Debussy’s Images in 1979. The soul of the piano was both conjured up and tamed by Corinne Wieland - a consummate piano technician. My gratitude goes out to both of them - this team gave me the wings to take off and be free.
|