 Même si, d’un linguiste ou d’un anthropologue à l’autre, le nombre de mots à disposition des Inuits pour qualifier la neige ou la glace est discuté, l'inuktitut révèle une propension à distinguer et préciser les états et qualités de l’eau figée par le froid qui dépasse de loin celle de la plupart des langues. Denis Dufour (1953-), peut-être plus connu pour ses œuvres acousmatiques, en retient 19, auxquels, au sein d’un cycle solidement architecturé, il consacre autant de tableaux, chacun un paysage blanc, ou translucide, en connexion avec les autres et pourtant singulier, une randonnée de montagne à glacier, parcourue en solitaire – François-Michel Rignol y insuffle le souffle de fantasque qui donne au promeneur silencieux ce léger sourire aux lèvres –, gage de la pureté que suggère la masse blanche infinie des sommets noyés dans les nuages d’hiver. Composé de 1993 à 1995 sous l’impulsion du poète Thomas Brando, Avalanche, qui, au passage, paie son écot aux Pas sur la neige de Debussy, est traversé de procédés combinatoires (rétrogradations, jeux d’écriture autour du chiffre 6 – le nombre de côtés de l’hexagone, forme du cristal de neige) et se complexifie au fur et à mesure des mouvements, d’Aperdlaut à Ittinngaq – de la première neige à l’igloo. (Bernard Vincken)  In nineteen movements of varying lengths and moods, Denis Doufour’s monumental piano piece “Avalanche” invites us on a voyage across the infinite variation of the forms taken by snow, and the rich vocabulary established by the Innuits for it since their arrival on Greenland, the continent of ice. At work in this piece is a transposition, inspired by morphologies, of a certain kind of energy onto the relationships between the physical and musical realms. Thanks to his practice as a performer on analogue synthesizers, especially in the TM+ ensemble in the 80s, Denis Dufour developed this ability to see through our hearing, allowing him to distance himself from the reflexes of and dependence on preconceived clichés in sound phenomena. Denis Dufour is a craftsman of music, who, for the sake of a demanding and effusive finishing, invites us to immerse ourselves in the world of our own ears.
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