Ceci est difficile à croire, un compositeur romantique d’une telle envergure, oublié parce que les Nazis ont voulu qu’il soit oublié ! Resté fidèle à sa femme juive et à ses convictions politiques, Büttner a perdu toutes ses positions importantes dans la vie musicale de Dresde. Très influencé par Richard Strauss, sa texture orchestrale est remplie d’une beauté radiante, et sa maîtrise de l’orchestre remarquable. Personnalité charismatique de la vie musicale de Dresde durant l’entre deux guerres, chef des chorales ouvrières saxonnes –il s’engagea auprès du mouvement prolétaire -critique éclairé à la plume acerbe, Paul Büttner fut une figure de la musique allemande jusqu’à ce que les nazis le contraignent à l’exil intérieur. Si on connaît l’homme, volontiers acariâtre, ou le critique, on ignorait tout du compositeur. Arthur Nikisch se fit son défenseur, créant la troisième Symphonie à Leipzig. Son corpus d’orchestre est dominé par quatre symphonies, toutes écrites avant la première guerre mondiale. La 4e fut terminée durant celle-ci et son univers sombre, tendu, inquiet, traversé de mouvements de marches, d’un lyrisme assez désespéré en fait une des partitions marquantes inspirées par le premier conflit mondial. Si l’harmonie reste traditionnelle, l’écriture rythmique surprend par sa liberté, ses mètres changeant ; son vocabulaire flirte avec un certain modernisme. Gerhard Pflüger, un chef d’orchestre aussi inspiré que méconnu aujourd’hui – on lui doit entre autre une lecture transcendante de la 5e Symphonie de Bruckner – en délivre une interprétation expressive, enregistrée en 1965 pour la Radio de Berlin. Pflüger avait personnellement connu le compositeur : comme lui il était natif de Dresde où il fut actif au sein de la Staatskapelle durant les années vingt. On tient donc là une interprétation qui a valeur de témoignage. L’Ouverture Héroïque reste dans les mêmes couleurs et fait à la Symphonie un portique impressionnant, même si elle fut composée sept ans plus tard. On reste curieux des trois autres symphonies, Sterling nous les dévoilera-t-il ? (Discophilia, Artalinna.com). (Jean-Charles Hoffelé)
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