 Werden… comme verbe plein peut se traduire par Devenir… mais comme auxiliaire, il devient support de quantité d’effets de sens variés, notamment l’expression d’un changement dont le processus est en cours. Et c’est pleinement ceci que propose cet enregistrement, premier plan d’un triptyque singulier imaginé par le jeune chef et violoniste espagnol Roberto González-Monjas (1988). Captivé par l’ensemble des trois dernières symphonies de Mozart (Kv. 543, 550, 551), toutes composées en 1788 dans l’espace réduit de deux mois d’été, le chef d’orchestre a choisi d’en sertir la beauté et la force dans l’écrin d’œuvres d’autres époques, mais présentant avec les symphonies de Mozart d’indéniables affinités spirituelles. C’est ainsi que, dans ce premier plan — on est curieux et impatient de découvrir les deux suivants — Roberto González-Monjas a décidé d’ouvrir l’enregistrement par l’ouverture Die Weihe des Hauses (La Consécration de la maison) que Beethoven composa à Vienne en 1822, dans un style haendelien, pour la reconstruction complète du Theater in der Josefstadt, lequel avait précisément été érigé… en 1788. Au-delà de la coïncidence des dates, l’esprit de Haendel assure ainsi, en sous-main, la transition de Mozart à Beethoven, que redouble d’ailleurs la Maurerische Trauermusik Kv. 477 (Musique funèbre maçonnique de 1785). Et, puisque les symphonies de Mozart sont parfaitement représentatives pour Roberto González-Monjas de la philosophie et de l’esthétique des Lumières, composée par un être rationnel amoureux de la vérité, épris de justice et d’égalité mais également sensible aux passions, l’œuvre contemporaine associée sont ces Fragments of Enlightenment que la compositrice suédoise Andrea Tarrodi rédigea en 2022 à la suite d’une commande du Musikkollegium Winterthur et de son chef, lesquels lui avaient recommandé de s’inspirer de citations de la 39e Symphonie. Ces Fragments évoquent parfaitement à cet égard, dans l’esprit du XXIe siècle, la recherche de lumière et la sérénité transcendante qui caractérisent souvent l’œuvre de Mozart. Fondé en 1629, le Musikkollegium Winterthur et Roberto González-Monjas s’acquittent parfaitement de leur entreprise de philosophie musicale. Le dynamisme et l’énergie de l’ouverture de Beethoven, le caractère méditatif de l’oeuvre de Tarrodi, la sombre méditation de la musique maçonnique, excellemment interprétés ici mettent en pleine valeur les échanges tour à tour angoissés ou mélancoliques entre les pupitres des cordes, des bois, des cuivres que ponctuent dramatiquement les timbales en mi bémol et si bémol. Une très belle et convaincante réussite. (Jacques-Philippe Saint-Gerand)  The theme of our 22/23 season, “Werden” (Becoming), is taken directly from Mozart’s splendid Symphony No. 39. This work is associated with concepts such as freemasonry, virtuosity, nature, mystery and enlightenment. But why? Can music really express these ideas, or do we merely randomly associate romantic meanings with it? How can we interpret a manuscript – hastily written in ink on parchment by candlelight in 1788? I warmly invite you to engage with the hidden aspects of this fascinating work.
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