 Charité désordonnée finit par les autres. Dédicataire de plusieurs sonates violon-piano dont celle de Franck (sans oublier Magnard, Ropartz, Vierne, Lekeu, Lazzari ou Samazeuilh), Ysaÿe, en l'espace d'un seul été (1923), marabouté à l'écoute de Szigeti dans Bach, dédia généreusement ses propres sonates en solo à d'autres virtuoses de son temps, comme ici la troisième à Enesco (dont l'oeuvre culmine, comme par hasard, dans sa propre troisième sonate !). Il y multiplie une modernité technique (tons entiers, dissonances, quarts de ton...) poussant toutefois l'interprète à mieux la transcender pour laisser parler son humanité, son émotion, son sens poétique : c'est la vraie leçon de Jean-Sébastien. Et si ce dernier avait ordonné ses compositions de quinte en quinte à partir du do, Ysaÿe – en dehors de plusieurs similitudes formelles, quatre pièces en majeur puis deux en mineur, etc. - donne aux siennes la tonalité des cordes à vide de l'instrument. La troisième sonate est un peu comme une ballade sur un rythme espagnol de habanera; la cinquième, dédiée à son partenaire de quatuor et élève, Mathieu Crickboom, illustre tout l'apport du compositeur dans certaines techniques bien particulières (pizzicati, impulsions rythmiques) de la main gauche. Notre interprète s'épanouit comme d'habitude (car voir aussi le premier volume) dans cet univers si particulier avec une aisance, mais aussi une inspiration confondantes. Y compris dans cette sonate de Bach (on allait dire, sonate d'église), dont il est pourtant si difficile de rendre audible toute la polyphonie, et si géniale de concilier à ce point rhétorique et émotion, avec cette fugue d'une tristesse proche du drame, jusqu'au sombre la mineur de l'allegro final. De même, l'interprète a raison de souligner le côté poétiquement pastoral de cette partita, si difficile à exécuter malgré les apparences, presque une pure suite de danses en ''sonata da camera''. Une mondaine de concert comme on en croisa tous, mais sincèrement émerveillée, avait prolongé ses vivats jusque dans la loge d'Heifetz : oh Maître, vos prodiges coulent sûrement de source avec un si bel instrument ! Et lui de tendre illico son violon : certainement Madame, essayez donc vous-même ! Nous esquiverons prudemment si malicieuse rebuffade avec notre admirable, magnifique Antje Weithaas (qui joue un moderne Peter Greiner de 2001). (Gilles-Daniel Percet)  It was Antje Weithaas’s own idea to jointly record Johann Sebastian Bach’s six sonatas and partitas for solo violin in conjunction with Eugène Ysaÿe’s six solo violin sonatas. “The works by Bach are rather well'known”, she remarks. “But what about th e Ysaÿe sonatas? Ysaÿe is invariably shoved into the virtuoso corner, but as a composer he is t o be taken quite seriously!” ' Now the No. 2: On the second CD in her Bach'Ysaÿe'trilogy, Antje W eithaas follows a path from darkness to light. J. S. Bach‘s Sonata in A Minor resembles a sacred p assion without words; Ysaÿe’s dramatic Third Sonata is entitled Ballade , and the first movement of Ysaÿe’s Fifth Sonata ev okes a sunrise ( L’aurore ). The CD closes with Bach’s Partita in E Major! “T his work is the simplest one in the entire cycle of sonatas and partitas. I don’t mean ‘simple ’ as ‘easy to play’, but in terms of its musical statement: here, Bach chooses the majestic, positiv e key of E Major.
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