 Quelle magnifique violoniste (et première du jeune quatuor Arcanto) ! Elle nous tombe dessus à bras pas du tout raccourcis, dans une grande ampleur du geste et de l'inspiration. Et plus elle nous emmène haut, plus cependant on respire. Le presto de la première sonate de Bach est d'une superbe virtuosité, mais toujours musicale, et qui jamais ne savonne. Et dans la première d'Ysaÿe, on nage dans le souffle, la générosité du son. Elle devient même époustouflante dans la deuxième, notamment dans cette Danse des ombres où elle s'érige en maîtresse d'un ballet qui n'est plus celle du tout des ombres heureuses. Oeuvre curieuse, audacieusement personnelle, qui commence par citer Bach – l'obsession ! - avant de le noyer dans tout l'inconfort de la musique moderne (Ysaÿe prisa les gammes par tons entiers, les dissonances, même les quarts de tons). Pastiche révérentiel exacerbé, en somme, d'une dimension toute autre que celle de la première sonate, tournant à la rage furieuse jusqu'à citer le Dies Irae (on attendrait même un Rex Tremendae dans tout ce tremblement !). Rappelons qu' Ysaÿe a composé ainsi six sonates, la première dédiée à Szigeti et la seconde à Thibaud (la troisième à Enesco : référence à sa troisième sonate avec piano dans la mention ''malinconia '' ici présente ?).Quant à la deuxième partita de Bach, ce premier mouvement est d'une conduite, et même d'une stratégie polyphonique d'un goût très sûr. Vraiment dansante, la courante justifie parfaitement son nom, tandis que la gigue gigotte avec une aisance, une verve imparable. Seule peut-être la grandiose chaconne se contente-t-elle d'effleurer l'éclatante grandeur du monument spirituel qu'assurément elle est. Hein, cher Pablo ? Sur le mode mineur comme l'est musicalement l'ensemble de ce disque, regrettons encore une fois une production allemande dont le livret est traduit en anglais, mais pas en français. (Gilles-Daniel Percet)

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