 D’abord le son : d’une beauté sans nuage évidemment, mais surtout d’une telle plénitude sur tous les registres, et sans jamais que l’archet n’appuie, soie pure. Ensuite le sens de la ligne, fluide, magique, comme si enfin cette musique se transcendait. Autant vous le dire tout de suite, sortant de l’audition des Sonates et Partitas selon Gil Shaham je me suis demandé : « à quoi bon garder mes autres versions ? ». Jamais je n’avais éprouvé un tel sentiment d’évidence à l’écoute de cette œuvre qui m’impressionna longtemps, que j’eu bien des difficultés à apprivoiser et dont pas un seul violoniste n’était parvenu à me convaincre tout au long des six œuvres. Pas un ? Si, un et par deux fois, Henryk Szeryng. Est-ce un hasard si je retrouve chez Shaham cette même simplicité, cette même sonorité pleine et radieuse, la pureté et l’évidence du discours même dans les entrelacs de la Chaconne ? Et que l’on ne vienne pas me dire qu’ici les leçons de l’interprétation historiquement informée sont oubliées. Je crains bien que Gil Shaham ne les ait jamais considérées, c’est Bach qu’il joue, dans le texte, pour le texte. Voilà, maintenant vous ferez comme vous voudrez, moi j’ai trouvé (Discophilia - Artalinna.com). (Jean-Charles Hoffelé)  Œuvre phare des violonistes, le recueil des trois sonates et des partitas de Johann Sebastian Bach balise leurs parcours. Chacun possède sa référence discographique. Menuhin, Grumiaux, Milstein, Julia Fisher aujourd'hui. D'un style libre et improvisé proche du fameux "Stylus Phantasticus", elles font appel à diverses formes dansées imbriquées dans un contrepoint complexe. Enjeu et difficulté pour l'interprète : saisir par l'archet les multiples voix combinées dans la partition. On ne saurait nier à Gil Shaham une technique irréprochable, mais dans cet enregistrement le violoniste américain s'avère à moitié convaincant. Nonobstant la sonorité magnifique du "Comtesse de Polignac" un Stradivarius de légende; ce violon impulsif, sautillant "vivacissimo" rebondissant sur chaque mesure et ces tempos systématiquement rapides et parfois élastiques nous laissent d'abord dubitatifs. Allemandes dansant la gigue, Courantes au débit précipité jalonnent le premier disque. Les doubles joués sans relâche n'ajoutent rien. L'ornementation volontiers mousseuse n'aide pas. Les différents mouvements souffrent de cette hyperactivité et les fugues affluent bouillantes dans les veines du violoniste. Peut-être une façon de ménager le suspense ? La ligne à flux tendu néglige le contrepoint pourtant essentiel. Exécution qu'on pourrait qualifier de leggeramente plus adaptée au style d'un Locatelli ou d'un Tartini. En fin de parcours, dans les troisièmes Sonate et Partita, le virtuose reprend son souffle et ajuste enfin la mesure, ce qui nous vaut une extraordinaire Chaconne ou l'apothéose du style de l'interprète et du génie du compositeur se rencontrent. A la fois volubile et narrative, Gil shaham en tire une leçon d'interprétation magistrale. Un disque mi-figue mi-raisin à écouter à l'envers en commençant par la fin. (Jérôme Angouillant)

|