Bach Six partitas pour clavecin BWV 825-830 Koopman - CC72574 - Challenge Classics - Classique

Absorbé par trois intégrales de taille, les Cantates (1994-2004) et l'Œuvre pour orgue de Bach puis le "Buxtehude Opera Omnia" (en cours), Ton Koopman n'avait plus consacré d'enregistrement à la musique pour clavecin du cantor depuis sa belle et solide lecture des Suites françaises parue en 1994. L'intéressé reconnait d'ailleurs que l'on a attendu longtemps sa version des Partitas dans une note très instructive en d'autres points. Le plaisir de la lecture prélude au bonheur de l'audition. Grâce à cette nouvelle parution, s'offre à nouveau l'opportunité d'observations, de comparaisons des qualités et singularités de deux grands clavecinistes reliés par la filiation de maître à élève. Nous constatons par exemple que les ornements qui semblaient chez Leonhardt modeler voire compliquer le rythme de la phrase, allant jusqu'à le suspendre dans des trilles grandioses, paraissent dans la lecture de Koopman s'intégrer dans une structure plus compacte et serrée mais pensée pour les accueillir. L'on pourrait tout aussi bien évoquer la nature opposée des ressentis immédiats de l'auditeur : le marbre aristocratique presque intimidant de l'intériorité de Leonhardt laisse place à l'atmosphère intimiste et sereine au ton plus familier de Koopman. Eloquence dans la clarté sonore et oratoire, équilibre entre ligne mélodique et ornementation, dynamisme et inventivité des phrasés, hérauts nécessaires du contrepoint, aucune de ces qualités qui nous rendent ce musicien si attachant n'ont disparu ni même décliné. Koopman nous donne à nouveau accès à ce Bach vif, simple, communicatif, qui respire, qui nous touche. "Grise est toute théorie, vert est l'arbre d'or de la vie" : l'ambition didactique affichée des Partitas n'en contredit pas la composante affective et vibratoire. Valorisant ce degré d'achèvement et de raffinement, la prise de son est bien supérieure à ce que le label Erato dut si souvent nous contraindre d'accepter (Koopman et Scott Ross méritaient mieux). Avouons-le, sur ce point précis, nous ne regrettons pas l'attente ayant permis de retrouver Bach sous de meilleurs auspices. Koopman créa en 2003 son label "Antoine Marchand". Quel sera le prochain enregistrement qui en marquera le dixième anniversaire ? Nous guettons les Suites anglaises. (Pascal Edeline)