Wagner Lanneau Du Nibelung Nilsson Varnay Crespin Schmidt Hopf Kempe - C928613 - Orfeo

Nouvelle donne : en 1961 un tournant se prenait à Bayreuth, Wieland laissait le Ring à Wolfgang, Rudolf Kempe imposait son orchestre marmoréen, objectif, presque froid, loin des humanités de Knappertsbuch et de Keiberth et refusant aussi la lumineuse incandescence si futuriste de Clemence Krauss (Pierre Boulez lui ne l’oubliera pas), les équipes changeaient, le règne de Nilsson commençait, pas encore celui de Windgassen jusque-là seulement Siegmund, ces deux-là attendront l’avènement de Karl Boehm pour être les amants l’un de l’autre, avènement qui fera basculer la saga dans le roman, l’héroïsme dans la poésie. En 1961, plus encore que durant l’été précédent, c’est l’empreinte de Rudolf Kempe qui s’imprime partout, temps long dès le Rheingold, maitrise de l’architecture, glacis d’un orchestre par strates, depuis son Ring de Covent Garden 1957 il avait imposé sa battue imperturbable, mais quelques nouveaux venus le bousculent : la Fricka furibonde de Regina Resnik qui incendie sa scène au Rheingold, la sensualité dorée de la Sieglinde de Crespin (sa plus belle car sa plus libre), le Wotan âpre et noble à la fois de Jérôme Hines qui ose plus encore qu’en 1960 imposer ses récits libres. La méthode Kempe parvient à ses fins dans un Götterdämmerung d’une noirceur radicale où le diamant brut de Birgit Nilsson semble épuiser par sa perfection tous les défis de Wagner, mais la Brünnhilde de Walküre est plus insensée encore, et c’est Astrid Varnay qui l’enflamme : il faut l’entendre au III face à Jérôme Hines : simplement immense d’humanité. Une merveille dans ce Ring, et qu’il faut saisir ici : dans Siegfried, le Wanderer de James Milligan, baryton-basse canadien, voix sublime, acteur génial. Quelques mois plus tard son cœur lâchait, nous privant de son Wotan que Bayreuth espérait. (Discophilia - Artalinna.com) (Jean-Charles Hoffelé)