Qu’on le veuille ou non, "Don Carlos", écrit pour l’Opéra de Paris, prend sa pleine dimension dans l’orignal français du livret de François Méry et Camille Du Locle, mais la version italienne l’aura fait oublier trop longtemps. Les théâtres la redécouvrent poco a poco, et même le Staatsoper de Vienne qui en 2004 l’inscrivait à son frontispice. Le spectacle sinistre de Peter Konwitschny fut vite oublié, en voici la bande son. Dirigée prudemment par Bertrand de Billy qui cherche le drame intime plutôt que le roman historique, elle expose hélas plus les difficultés des chanteurs que leurs audaces. Si Ramon Vargas est en soi parfait il lui manque la fragilité, Si Iano Tamar sait être élégante il lui manque le vertige et surtout la ligne pour son air du V (dans un théâtre qui y vit Janowitz et je crois bien aussi Jurinac), mais l’Eboli de Nadja Michael, chanteuse par ailleurs admirable, fait naufrage deux fois, dans les agilités du « voile » comme dans les éclats du IV. Un Don Philippe style (Alastair Miles) ne fait pas le monarque assez fanatique (et son Grand Inquisiteur ne l’y aidera pas). Reste le Marquis de Posa, Bo Skovhus, en voix fermée, en timbre élimé, mais une incarnation, une présence, et des mots qui mordent où qui supplient, et soudain ce duo avec Vargas qui sauve la soirée, la rend utile. Là, dans cet instant, Vienne aura peut-être compris que "Don Carlos" est un opéra français. (Discophilia - Artalinna.com) (Jean-Charles Hoffelé)
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