 Le vieux cinématographe était plus reposant que des enchères : on pouvait se payer une toile en silence. D'où la tradition même des grandes douleurs qui sont muettes. L'orpheline blafarde, aux yeux cernés cependant de braise qui se révulsaient vers des ciels indifférents, s'en tordait les bras fluets dans le seul crissement en queue de crotale du projecteur. Dans ce tressaut celluloïdique, moins inflammable ni cassant que le cœur promptement enamouré du jeune spectateur, vint enfin ce pianiste accompagnateur sur lequel il était si amusant de tirer dans l'ouest lointain, à la première note ratée bleue. Mais il en fallait davantage et (on avait agrandi l'espace de projection) arrivèrent enfin sans se presser nos sympathiques héros les vrais compositeurs, qui n'étaient pas toujours les derniers zozos de l'orchestration possible. Sous la forme ici de plus d'une trentaine de motifs donc en soi assez brefs, ce disque nous en restitue quelque substantifique mœlle bien américaine aux titres roboratifs : appassionnato, grandioso, emotional andante, dramatic agitato, et jusqu'au western allegro, en passant par la grotesque éléphantine (sic). Tout pour titiller à rebours l'imagination et nous faire retomber en enfance de l'art cinéphile. Bref, tout un patrimoine – partitions alors thésaurisées par un propriétaire de salle - de compositeurs à peine connus de leur propre bataillon fantomatique, parmi lesquels deux d'origine française (biographies dans le livret). Spécialistes du genre, les interprètes nous le restituent ici dans son inéluctable jus quiètement néoclassique, entre introduction d'un troisième concerto de Chopin et froufrous dominicaux de kiosque à pioupious. On se laisse aller dans la tiédeur guillerette. Le rêve des graviers se meurt près des bordures (Aragon). (Gilles-Daniel Percet) With the advent of sound films (i.e. “talking pictures”) in the late 1920s up to the present time, motion picture music has been preserved on the films themselves, and can be readily experienced in viewings at theaters and via DVDs. But the soundscape of early cinema—the age of so-called “silent movies”—is hardly documented at all. Because of this almost total lack of ability to experience early film music, many wrong assumptions are made about it. Without any familiarity at all, writers and “researchers” often breezily dismiss music of the silent film era as “crude,” “primitive,” or otherwise beneath regard. But nothing could be further from the truth. The fact is that the entire vocabulary of film music as we know it today was developed in America between 1910 and 1925; there was—and still exists in the form of scores—a vast and beautiful repertoire of film music created by talented composers during that period. Yet virtually none of this important material is available on recordings (in any format) for research and enjoyment. Into this surprising historical void comes this recording, which presents for the first time the original scores of America’s pioneer film composers, including William Axt, Maurice Baron, Irénée Bergé, Gaston Borch, M.L. Lake, Erno Rapée, Hugo Riesenfeld, Victor L. Schertzinger, J.S. Zamecnik, and others. The twenty-eight pieces are sequenced in a way that will lead listeners into creating their own imaginary “daydream movie” as the CD is played. Original orchestrations have been selected from the Capitol Theater’s 1,000–title collection of c. 1900 to 1928 cinema scores, played by the world’s leading silent film accompanists (with 650 screenings to date)—the Paragon (Ragtime) Orchestra.
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