Tania Léon Œuvres orchestrales Gardner Canellakis Slobodeniouk - LPO0135 - Petits prix

C’est avec plaisir que nous découvrons ce CD consacré à la compositrice d’origine cubaine Tania León que nous avions découverte dans quelques autres enregistrements. Ceux proposés ici sont des captations de concerts donnés lors de la résidence de la compositrice auprès du London Philharmonic de 2023 à 2025. Née en 1943, dans une famille qu’elle dit elle-même très pauvre mais multi-culturelle, Tania León vit à New York à partir de 1967 et a pu notamment étudier la direction d’orchestre auprès de Leonard Bernstein et Seiji Ozawa. Elle a depuis mené une activité artistique des plus diversifiées : compositrice, interprète, pédagogue, animatrice de compagnies de danse (Dance Theatre of Harlem). C’est donc à 80 ans qu’elle se vit offrir cette résidence londonienne, peu après avoir reçu de prestigieuses récompenses en reconnaissance de son œuvre aux Etats-Unis. Les enregistrements de ses œuvres restent plutôt rares et ces captations de concert sont plus que bienvenues, nous permettant notamment de découvrir "Stride", une œuvre qui lui valut un prix Pulitzer pour la musique en 2021. La pièce répond à une commande et commémore le centenaire du droit de vote des femmes et évoque la figure de Susan B. Anthony, une militante qui se battit sans relâche pour la cause. La compositrice s’y souvient aussi des mobilisations des années 60 pour les droits civiques avec Martin Luther King qui l’ont profondément marquée. Dans "Horizons" (1999), du flux de la musique surgissent des interruptions brutales, explosives, qui en brise le courant. Malgré cela la musique reprend son cours jusqu’au prochain obstacle, force que l’on ne peut arrêter ou immobiliser. Une œuvre où l’on peut aussi entendre l’écho des catastrophes et menaces qui perturbent notre horizon. "Raices" (littéralement "racines" – 2024) nous emmène dans les paysages qu’a connus la compositrice, en saisissant les rumeurs et la musique et nous y plongeant un peu à la manière d’un Villa-Lobos. Un orchestre à la palette bigarrée (notamment avec les percussions) nous fait passer avec fluidité d’un paysage à l’autre, modifiant couleurs et contrastes. Pasajes (Passages – 2022) diversifie aussi sa palette sonore et ses climats, organisant l’œuvre en tableaux inspirés par les souvenirs de la compositrice. Le climat général, avec ses variations, nous a fait penser aux tableaux sonores d’Ottorino Respighi. Même si le style en est bien différent, on y retrouve un peu le même esprit, avec un orchestre multicolore où le rythme est essentiel à la construction musicale. Tout cela est servi par une brochette de chefs d’orchestre dont il faut mentionner et surtout retenir les noms : Karina Canellakis, Dima Slobodeniuk et Edward Gardner. A découvrir sans hésitation. (Marc Ossorguine)