Un large parcours, en termes de style, de genre et de chronologie, dans l’univers compositionnel de Stravinski. De son célèbre ballet le Sacre du printemps (1913), en passant par le Concerto en mi bémol « Dumbarton Oaks » (1938) en style néo-classique, et jusqu’à son œuvre sérielle Mouvements (1959).Le très acclamé duo de pianos Bugallo-Williams, fervent défenseur du répertoire du XXème siècle et dédicataire de nombreuses partitions de Cage, Feldmann, Kagel, Kurtag, Ligeti, Nancarrow, Sciarrino, Stockhausen, s’attaque ici avec une parfaite maîtrise à quelques piliers de l’œuvre de Stravinski dans les arrangements réalisés par le compositeur-même.  Un disque jouissif, qui nous fait redécouvrir les arrangements pour piano que Stravinsky effectua lui-même de certaines de ses œuvres, Le Sacre du Printemps en particulier, l’une des créations sonores majeures du XXème siècle. Stravinsky ne composait jamais très loin de son piano, et c’est à son instrument qu’il put trouver les accords si riches, si incroyablement modernistes, si dissonants des Augures printaniers ou de la Danse sacrale. Ici, le mélomane peut écouter Le Sacre du Printemps comme Debussy le découvrit lui-même en 1912, au piano, avec l’auteur lui-même, lors d’une séance de déchiffrage fameuse. Le duo ici présent, formé de deux jeunes virtuoses, Helena Bugallo et Amy Williams, nous passionne par son engagement physique, sa puissance sonore assourdissante. L’une de ses qualités est de nous faire oublier la richesse de la partition orchestrale, pour nous envoûter par la seule force des motifs, des accents et des rythmes (Action rituelle des ancêtres, et la Danse sacrale passionnantes), et nous montrer ainsi que même l’œuvre phare pour orchestre de Stravinsky annonce vraiment certaines pièces pour piano de Bartók ou les Etudes de Ligeti. Fascinant et indispensable ! Les deux artistes ont par ailleurs décidé de faire figurer dans leur programme les arrangements des Trois Pièces pour quatuor à cordes (1914), du Concerto « Dumbarton Oaks » (1938), du Septuor (1953) et de Mouvements (1959), elles nous en donnent des interprétations toujours inspirées, profondément équilibrées et magnifiquement timbrées. Chapeau bas, mesdames ! (Pierre-Yves Lascar)

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