 Dès "Das Wandern", la voix fermée, le ton amer, mi-conteur mi-victime, pourra surprendre. Gerald Finley chante d’emblée la désillusion, le piano de Julius Drake, avare de paysages, se concentre lui aussi sur le récit parabolique, dense, serré, ombrageux même pour les murmures du ruisseau. Etonnant, Finley parsème son chant d’ornements, de diminutions, s’insinuant dans les lignes de Schubert comme certainement ses amis faisaient lors des concerts domestiques, celui lui permet de colorer (sur "Nixen" par exemple), de donner du sentiment, d’accroître les affects, c’est plus d’une fois troublant et pourtant convaincant. A mesure que le cycle se déroule, l’amertume s’impose, Jäger furieux qui ouvre l’ultime section dominée par "Trockne Blumen", avant la consolation auprès du ruisseau : il faut entendre comment Gerald Finley et Julius Drake distillent la berceuse quasi funèbre de "Des Baches Wiegenlied", la lassitude dans le timbre du baryton... Cette "Belle Meunière" singulière n’en doublonnera aucune autre. (Discophilia - Artalinna.ocm) (Jean-Charles Hoffelé)  Entendons-nous bien : ce ne sont pas les qualités intrinsèques du chanteur, ni sa technique qui sont en cause. Ce timbre marmoréen, cette voix prophétique, celle d’Athanaël ou des grands oratorios de Mendelssohn ont du mal à nous faire croire au petit meunier qui vit sa première histoire d’amour. Exemple parmi d’autres, Der Neugierige est privé du mélange de timidité et d’audace qui en fait le charme, et on pense plutôt à Sarastro donnant une leçon de sagesse à Pamina. Gerald Finley traite avec distance, voire indifférence les états d’âme du personnage, puis tout bascule dans les cinq derniers Lieder du cycle : Der Jäger a rarement sonné aussi inquiétant, Die Liebe Farbe aussi désabusé, les premiers vers de Trockne Blumen aussi fantômatiques, les accents sur der Winter ist aus aussi désespérés, ni la berceuse finale aussi apaisée et consolatrice. Julius Drake, en accompagnateur courtois ne tire pas la couverture à lui : sur la réserve tant que son soliste s’absente du cycle, il met à sa partie une ineffable poésie dès que le chanteur s’implique à nouveau. Une version anthologique par ses dernières mélodies, à réserver aux amateurs connaissant bien leur Meunière. (Olivier Gutierrez)

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