Un univers semble distendre les rudesses, le langage âpre, les dissonances charbonneuses de la première partie de la Troisième Symphonie avec les raffinements elliptiques du laboratoire sonore poétique de la Quatrième : cinq ans seulement les séparent pourtant, mais entre temps Tippett aura abandonné sa volonté totalitaire d’être moderne, plus encore que Britten qui en 1972 régnait toujours sur la création musicale en Albion. La Troisième Symphonie est une œuvre complexe, ses deux parties se contrastent, un premier dytique amer, violent, puis l’Allegro molto et son postlude de quatre « songs », entre blues et Beethoven, où il faut l’avouer Rachel Nicholls étonne par la liberté de son ton, l’ivresse de sa lecture : c’est comme si, retrouvant l’audace évidente qui avait fait le succès de « A child of our time », Tippett se libérait de ses inhibitions et partant de ses ambitions : tant mieux pour son art ! Et quel beau « flügelhorn » nous joue Mark O’Keffe dans le Slow Blues, Martin Brabbins réglant les fantaisies jazzies et le ton divagant de l’ensemble en équilibriste. En 1976, Britten disparu, Tippett se sentit enfin libre d’oser une symphonie selon son cœur. Seul lien réel avec la Troisième Symphonie l’idée de reprendre pour la Quatrième l’enchainement de structures brèves, mais sans recourir à la voix : les 7 tempos sont le théâtre d’une constante mutation, l’univers sonore avec étoiles, vents, lune, n’est pas si éloigné que cela de certaines pages de Dutilleux, Brabbins les éclaire, lecture infiniment précise mais suggestive surtout qui égale celle du créateur, Georg Solti. Il ajoute en premier enregistrement mondial la Symphonie en si bémol, écrite par un jeune homme pas encore trentenaire qui la reprendra plusieurs fois pour mieux l’oublier, belle partition sombre, tendue, parcourue par les éclairs d’inspiration d’un génie en cours de maturation, ajout majeur à une œuvre de toute façon trop peu nombreuse, et surtout une plongée dans l’atelier du créateur en devenir. Passionnant. (Discophilia - Artalinna.com) (Jean-Charles Hoffelé) The first opportunity to experience Tippett’s unique symphonic voice stretching across nearly half a century, from the early B flat symphony (here receiving its first recording) to the extraordinary ‘birth-to-death’ span encompassed by n° 4.
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