 Debussy remit sur le métier en 1915, alors qu’il était occupé à ses Etudes, les Epigraphes antiques : après la version pour deux pianos, il en rédigea une version pour les deux mains où son langage pianistique se radicalise et s’épure à l’égal de celui employé dans les Etudes justement. Incroyable que cette version, ajout majeur à son répertoire pianistique, soit si peu courue des pianistes et même de ceux qui proclament en graver l’intégrale ! Konstantin Lifschitz en fait le centre clair et parfait du premier disque de ce qui constitue son plus singulier album, son piano de lumière gorgé de timbres est si naturellement chez lui dans la musique française que je me suis toujours étonné de le voir si chichement en enregistrer les chefs-d’œuvre, ici même il opère à leurs marges, en s’emparant de quelques fragments de Daphnis et Chloé où, en transcripteur, il fait entrer dans son piano tout l’orchestre. Sa sélection est drastique, la grande marche de la Danse religieuse, celle de Daphnis vive comme une espagnolade, la Danse générale qui suit, puis, dans la Deuxième Suite, la supplique de Chloé, les chévres-pieds jusqu’à l’apparition de l’ombre de Pan, le Lever du jour et la pantomime interrompue avant la Bacchanale. Que n’a-t-il transcrit tout le ballet, c’est prodigieux de présence chorégraphique, et quelle myriade de timbres ! Génial simplement. Comme à l’envers les lignes épurées, les phrasés parfaits, le notes blanches qui exaltent la nudité impeccable, les mouvements stylisés d’Apollon Musagète tel que Stravinski l’a enfermé dans son piano. Pour avertir de la singularité de l’album, le pianiste a placé en préambule une pièce déconcertante, Carousel de Jakov Jakoulov, sans aucun lien avec ce qui va suivre… (Discophilia - Artalinna.com). (Jean-Charles Hoffelé)

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