D’origine polonaise, Kletzki étudia la composition d’abord à Lodz, sa ville natale, puis à Berlin. Protégé de Furtwängler à l’époque, il compose sa deuxième symphonie, inédite au disque jusqu’ici, en 1926. C’est une œuvre magistrale, de forme classique en quatre mouvements, qui débouche sur un magnifique finale, un lied pour baryton aux accents mahlériens. On y retrouve tous les traits de l’idiome post-romantique le plus riche, comme une science de l’orchestration et de la polyphonie éblouissante. Hélas la montée du nazisme allait chasser Kletzki, juif polonais, d’Allemagne (il ne pardonna jamais à Furtwängler son attitude à ce moment). Après sa poignante troisième symphonie "In memoriam" dédiée aux victimes de l’holocauste, il allait cesser de composer en 1942 pour se consacrer à la direction d’orchestre. Il mourut en 1973, au cours d’une répétition. Splendidement interprétée par l’orchestre de Katowice sous la baguette inspirée de Thomas Rösner, cette partition magistrale sort de l’oubli et prend place parmi les grandes symphonies post-romantiques des années vingt. Le couplage particulièrement judicieux nous fait entendre une page exactement contemporaine, la "Sinfonia" de Marek, écrite pour le fameux concours de la Gramophone organisé pour célébrer le centième anniversaire de la mort de Schubert en 1928 et qui avait suscité nombreuses pages maitresses du XX° siècle, comme celles signées Atterberg ou Franz Schmidt. Marek, né polonais comme Kletzki et comme lui exilé en Suisse, fut l’élève de Weigl (autre grand compositeur autrichien qu’il est urgent de redécouvrir) et de Pfitzner. il signait là une puissante structure d’une demi-heure qui complète un CD magistral, véritable découverte majeure pour tous les amoureux du grand orchestre. (Richard Wander) Les symphonies des deux compositeurs polonais réunis sur le présent CD ont été écrites et créées à quelques mois d’intervalle au milieu des années 1920 (il se trouve qu’elles adoptent aussi toutes deux la tonalité de sol mineur). Au premier coup d’oeil, il semblerait presque que ces deux hommes, Paul Kletzki et Czeslaw Marek, ont vécu dans l’ombre l’un de l’autre toute leur vie durant. Ils sont nés à neuf ans d’écart en Pologne, qui était alors divisée. Kletzki a grandi sous le règne du tsar dans la Pologne «russe», alors que Marek vivait comme citoyen autrichien sous l’empereur François-Joseph. Par la suite, ils ont néanmoins évolué dans les mêmes cercles de musiciens polonais et ont tous deux quitté leur patrie pour aller étudier en Allemagne. Contraints de fuir en temps de guerre, ils ont tous deux trouvé refuge en Suisse et – coïncidence sans doute la plus remarquable – ils ont tous deux abandonné la composition presqu’exactement au même âge de 43 ans. Leur destin était intimement lié à celui de leur patrie et pourtant, il semble que Marek et Kletzki ne se soient jamais rencontrés.
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