Une sélection de 27 mélodies de Charles Ives dans l’interprétation extraordinaire de deux musiciens de marque, la soprano Susan Narucki, renommée pour ces interprétations faisant autorité dans le musique contemporaine américaine, et Donald Berman, un spécialiste et interprète de la musique de Ives, dont les enregistrements ont été acclamés par la critique.  Réunies sous le titre "The Light that is Felt" (Touché par la lumière), titre du poème de John Greenleaf Whittier, ces mélodies, superbement chantées par Susan Narucki avec le piano nuancé de Donald Berman, s’étagent de la fin du 19e siècle au début des années 1920. Les textes sont de Charles Ives lui-même, des poèmes anonymes, des vers du poète médiéval italien Folgore da San Geminiano, des œuvres de Milton, Keats, Byron et des contemporains américains du compositeur. L’ensemble forme un kaléidoscope musical de souvenirs multiformes : la mère ("Songs my mother taught me") et le père ("The Greatest Man" ; "The Things Our Fathers Loved"), un frère parti ("Tom Sails Away"), des sœurs adoptées ("Two Little Flowers"), l’insouciance enfantine ("The Children’s Hour"), des chants de l’école et de l’église ("Down East"), un hommage au fondateur de l’Armée du Salut ("General William Booth Enters into Heaven"), une mendiante et sa fille rencontrées à Londres ("West London"), la beauté d’un fleuve ("The Housatonic at Stockbridge"), l’animation citadine ("Ann Street")… Ives déploie son art descriptif avec un discours nostalgique, serein ou agité parfois d’une grande nouveauté. (Gérard Martin)  Charles Ives, compositeur prolifique, auteur d’une œuvre à la singularité audacieuse, est un des pionniers de la musique américaine. Sa musique fait preuve d’une complexité ludique associant folklore et langage savant. Il écrivit de nombreuses mélodies pour voix et piano dont les vingt-sept constituant ce programme écrites entre 1897 et 1922. Modèle de concision et de musicalité, elles sont en général très courtes allant d’une cinquantaine de secondes à rarement plus de trois minutes et exceptionnellement plus de cinq. Les ambiances sont variées témoignant de l’inspiration protéiforme du compositeur allant de la tradition classique, des mélodies populaires américaines, jusqu’à une expressivité moderne aux rythmes irréguliers et aux harmonies triturées. Ainsi se succèdent souvenirs d’enfance, berceuse, chansons enfantines, évocations familiales, portraits de société, tableaux pastoraux, hymnes, romances et autres scénettes de la vie quotidienne. L’écriture mélodique y est raffinée allant d’un lyrisme léger et romantique à une mélodie tendue. Les textes d’Ives côtoient ceux de poètes des XIXème et XXème siècles enrobés d’un accompagnement musical allant de la tradition classique à l’avant-garde, parfois les deux au sein d’une même pièce. Emplies de délicatesse et d’une inventivité remarquable de subtilité et de complexité, ces pièces rendent bien compte du talent novateur de ce compositeur américain à l’univers fascinant. (Laurent Mineau)  Charles-Edward Ives et né en 1874 à Danbury dans le Connecticut. Il suit tout d'abord les conseils de son père George, musicien amateur plein de fantaisie. Entré à l'Université de Yale en 1894, il étudie la composition avec Horatio Parker. Ayant obtenu son diplôme en 1989, Charles Ives part pour New-York afin de suivre des cours sur la «pratique de l'assurance», ne voulant pas «laisser mourir de faim sa famille dans les dissonances». En 1907, avec son ami Julian Myrick, il fonde la firme Ives & Myrick Agency of the Mutual Life. Dès lors, et jusqu'en 1930 à la suite de problèmes de santé, Ives partagera son temps entre la composition et les affaires. «Mon travail en musique a aidé mon travail en affaire et mon travail en affaire a aidé ma musique» dit-il, considérant ces deux aspects de sa vie comme «une expression d'un besoin humain fondamental». Ce n'est que dans les années vingt que sa musique commence à atteindre une certaine notoriété. Il est enfin reconnu, diffusé à la radio, enregistré sur disque. Il cesse cependant de composer en 1928. Il est élu au National Institute of Arts and Letters en 1946 et meurt à New York en 1954. La musique de Charles Ives comprend des symphonies, des sonates, une série très importante de mélodies, de la musique de chambre et des œuvres pour chœur. Son style, fait de libres associations, expérimente des procédés aléatoires, des quarts de tons, des citations, des collages, bref, toute une panoplie qui sera abondamment utilisée au cours du XXe siècle. Il est un musicien avant tout intuitif dont l'univers imaginatif très conséquent trouve ses racines dans la société américaine de son temps. Il peut être considéré comme l'équivalent en Amérique, terre sans tradition, d'Arnold Schoenberg, musicien de forte tradition européenne, dont il est l'exact contemporain. (© Ircam - Centre Pompidou)

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