Auteur déjà d'une œuvre assez abondante, Toshio Hosokawa né en 1953 à Hiroshima fit ses études musicales notamment avec Isang Yun puis à Fribourg avec Klaus Huber et Brian Ferneyhough. Hosokama se reclame aussi bien des influences de ses pairs : Isang Yun (auprès duquel il a étudié la composition) et Toru Takemitsu ; mais aussi de la culture occidentale dont il s'est nourri à Darmsdat puis à Fribourg, où Klaus Huber, un de ses maîtres à la Hochshule, lui conseille de revenir à ses sources, à travers la tradition de la musique de cour : le gagaku. Hosokawa cultive aussi un large spectre d'inspirations perceptibles dans les œuvres présentées dans ce disque du quatuor à cordes Arditti : le genre pictural sumi-e, les peintures visionnaires de William Turner et celles méditatives de Mark Rothko (la pièce « Landscapes »), le Hai-ku (ces très brefs poêmes qui décrivent un micro évènement) (le cycle Kalligraphie) mais aussi la poésie de Paul Celan et d'Edgar Allan Pœ. Présences furtives (« Urbilder ») qui passent comme des ombres et éclairent d'une lueur révélatrice le geste musical du compositeur. S'appuyant sur une seule ligne continue, les treize minutes de Blossoming expriment un parcours dans l'espace (de la partition) et un voyage dans le temps, les cordes s'entrefillochent, se nouent, claquent, figurant des motifs inouïs, quasi visuels, et des climats sonores extrèmement subtils. La matériau utilise une polyphonie serrée et en expansion constante. Et quelquefois une citation tricotée à la surface de la corde. (Hosokama réemploie fréquemment des citations de Bach ou de Beethoven). Glissandi, frottements, pizzicati : on a affaire au vocabulaire ostentatoire du quatuor à cordes. L'expression y est rarefiée, ténue mais suprêmement maitrisée. A propos de sa pièce « Silent Flowers », Hosokama résume ainsi sa musique : « Les fleurs de l'Ikebana (l'art floral japonais) sont coupées à vif. Dès cette blessure, la mort s'insinue. Ce qui rend cet art aussi émouvant et beau. La vie à une fin. Cette notion de fragilité prévaut à toutes les créations traditionnelles au Japon. La formation du son ne peut créer l'éternité parce qu'elle a pour origine le silence. Le son retourne ainsi au silence d'où il vient. » Voilà qui nous aide à pénétrer dans cet univers exigeant et singulier. Ajoutons que le quatuor Arditti est une des rares formations d'aujourd'hui capable d'interpréter une telle musique en respectant ses idiomes à la lettre. (Jérôme Angouillant) Toshio Hosokawa's compositions for string quartet reveal manifold linkages with traditional Japanese arts: music, poetry, calligraphy, ink painting, and philosophy of this cultural sphere inspired him to compose his works. His relationship to sounds is therefore fundamentally Asian, based on the idea of permanent transformation: in these string quartets, there is not a single sound whose character is not continuously modified by glissandos, trills, tremolos, harmonics, vibratos of different sorts, constantly shifting dynamics, and various bowings, by which the individual note is transformed into a dynamic structure. Hosokawa’s compositional esthetic is influenced decisively by his relationship to nature: “I have always wished to compose works which might become part of the sounds of nature, the sound of the cosmos.” Both pitches and natural sounds are for Hosokawa natural objects and therefore means for existential experience and transcendence. Hosokawa has on occasion mentioned that the specific sounds in his string quartets are not only derived from the fertile ground of Asian spirituality, but also from the scores of western modern and avant-garde composers; he has also indicated that it is not his intention to perpetuate divisions between Europe and Asia: “I would not like to emphasize the leaves and branches of the different kinds of music that have developed within the two spheres of eastern and western culture, but rather find the common aspects that exist in the roots out of which both have grown.”
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