Peut-on s’attaquer à la Grande Fugue (1825) de Ludwig van Beethoven (1770-1827) en l’arrangeant ? Doit-on ? Ce monument mérite-t-il un tel traitement même si le maître lui-même a procédé à une transcription pour piano à quatre mains (opus 134) immédiatement après son achèvement ? Manuel Hidalgo, compositeur espagnol né en 1956 et installé à Stuttgart, ose et répond de façon extrêmement convaincante en orchestrant le quatuor à cordes. Il utilise toutes les couleurs de l’orchestre, surtout les cuivres et les timbales, sans nullement dénaturer l’œuvre. Beethoven reste l’auteur respecté. La référence webernienne est assez évidente notamment du fait de l’utilisation de trompettes bouchées mais le résultat reste original. Il va bien au-delà de la simple orchestration pour cordes seules défendue notamment par Felix Weingartner, Hermann Scherchen ou même Wilhelm Furtwängler. Le tout est superbe, d’une force inouïe, même si l’urgence et l’unité formidable de la partition originale y perdent probablement du fait des changements incessants d’instruments, l’interprétation n’aidant peut-être pas d’ailleurs, même si le retour insistant des cordes qui finit par s’imposer, incontournable, après chaque phase de la fugue et à la fin, signe la marque du génie beethovénien, insurpassable. Il y a là au fond une sorte de concerto pour orchestre et des aplats de sons hurlants et presque caricaturaux faisant penser à une sorte de Guernica musical. C’est assez fascinant.La présentation dans la foulée du Quatuor n° 2, composé peu après, en 1993-1994, est parfaitement logique tant son esprit est clairement influencé par Beethoven. Des ruptures, des sauts d’octaves émaillent la pièce monolithique tandis que des pizzicatos pourraient rappeler la guitare et les origines andalouses de l’auteur.Le Quatuor n° 1, influencé cette fois par l’univers sonore de Helmut Lachenmann et qui suit, paraît alors moins intéressant, sa simplicité étant moins aboutie que dans Einfache Musik où les répétitions de notes, à nouveau les jeux de pizzicatos fort nombreux et même les rythmes syncopés presque dansants donnent un ton, parfois aux frontières de la tonalité, d’un intérêt constant.Les arrangements (2009) des Bagatelles opus 126 (1824) de Beethoven sont, pour leur part, de réelles curiosités valant le détour : de petites pièces pour piano se trouvent transcendées, amplifiées, avec beaucoup d’évidence et de naturel, par des cordes, l’esprit du quatuor n’étant pas loin. L’approche de Manuel Hidalgo se défend parfaitement, tant la dernière période de la création de Beethoven fut marquée par l’intensité et la richesse de sa production de quatuors à cordes. Les quelques alourdissements que l’on peut déplorer par exemple dans la deuxième bagatelle (Allegro), notamment par l’usage intempestif d’une contrebasse, ne changent pas l’impression générale de distinction et de rebond due aux cordes.La qualité exemplaire de l’enregistrement et de la notice complète le haut intérêt de ce disque.
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