 Les Sonates pour violon et piano de Grazyna Bacewicz trouvent de nouveau échos chez les jeunes violonistes ; deux intégrales viennent de paraitre. Jaga Klimaszewska, de son archet fluté, et souvent mutin –le Scherzo de la Troisième Sonate avec ses musiques de chats et ses glissandos, ses ostinatos capricieux qui rappellent l’écriture suractive d’Alexandre Tansman , lui va comme un gant – en reste aux trois dernières ( Bacewicz composera encore une œuvre majeure pour violon et piano, la Partita de 1955). Ces trois Sonates de la fin des années quarante sont des chefs-d’œuvre, complexes mais jamais ardus, Bacewicz demandant à son violoniste de pouvoir changer d’atmosphère en une mesure. La grande Sonate de 1949 (4e) en particulier veut un archet vif, le scherzo est un des plus fous qui soit jamais sorti de sa plume, Jaga Klimaszewska le fait briller avec un humour grinçant, mais elle sait aussi trouver le chant complexe, les abandons plein de sfumatos qui ouvrent la 5e Sonate de 1951, où Bacewicz épure son langage, le tend vers des couleurs plus dramatiques. La violoniste ajoute une pièce de jeunesse, un Chant (1927) qui ne dit presque rien de ce que deviendra son style, mais surtout elle révèle la Légende de 1945, où passe le souvenir du violon de Szymanowski, ajout majeur. L’autre héros de ce disque si séduisant est son pianiste, Mateusz Rettner, clavier fluide jusque dans les effets de percussion, qui donne à chaque sonate des paysages d’orchestre. La notice nous le présente comme pianiste, certes, mais aussi en tant que compositeur. Voila donc pourquoi, malgré les écritures complexes de Bacewicz, tout parait si clair – structures, couleurs, expressions – et l’on espère retrouver ce duo dans les deux premières Sonates, la Partita, les autres pièces éparses, cela ajoutera une nouvelle intégrale à celles de Jakub Jakowicz (Polskie Radio ) et d’ Annabelle Berthomée- Reynolds (Muso), cette dernière ajoutant d’ailleurs les deux Sonates pour violon seul qui devraient tenter Jaga Klimaszewska… mais à ce petit jeu de la présence solistique c’est Mateusz Rettner qui attire sur ce nouvel album l’attention : il offre une version idéale- humour clavier léger plein de couleurs – de la Première Sonate pour piano (1949), une fantaisie dans les trois mouvements vifs, mais un récit mystérieux dans l’Andante sostenuto. Magnifique, car il refuse de jouer cette sonate où passent des souvenirs de Prokofiev comme l’œuvre percussive qu’on y fait souvent entendre. Son art rejoint celui que Kristian Zimmerman aura mis à la Deuxième Sonate. Et s’il songeait à nous graver l’intégrale de l’œuvre de piano ? (Jean-Charles Hoffelé)  Violoniste de formation, la compositrice polonaise débuta une carrière de soliste avant de se consacrer à la composition. Pour l'instant, seule sa musique de chambre et pour piano a été assez bien représentée au disque. Il ne reste qu'environ 200 opus à explorer dont quatre symphonies ! On est frappé par l’originalité de la personnalité de Bacewicz car son œuvre intègre nombre de styles d’écriture. Sa musique pointilliste, particulièrement resserrée et souple à la fois, diffuse de subtiles couleurs. L’univers irisé de Szymanowski y est particulièrement présent. Les couleurs automnales des trois sonates pour violon et piano évoquent des climats nostalgiques marqués par une harmonie complexe. La Sonate pour violon et piano n° 3 prend des allures de concerto. D’une difficulté considérable, elle réserve bien des surprises par ses sarcasmes qu’un Prokofiev n’aurait pas reniés dans le finale. Les Sonates n° 4 et 5 sont d’une densité plus « rugueuse ». L’interprétation de Klimaszewska et de Rettner manie avec une grande fluidité à la fois la poésie et l’ironie parfois de ces pastiches néoclassiques. À noter que la "Légende" ainsi que le "Chant", tous deux pour violon et piano sont enregistrés pour la première fois. Plus connue pour ses partitions de musique de chambre et pour le violon, son instrument, la compositrice n’en a pas moins composé aussi pour le piano. Chopin, Liszt, Szymanowski, Bartok et les compositeurs français des années trente (Bacewicz étudia auprès de Nadia Boulanger) composent une partie de l’univers de la Sonate pour piano n° 3. Le piano est utilisé dans sa dimension percussive, bien que l’écriture fasse preuve d’une relative sobriété. Belle interprétation que celle de Mateusz Rettner. (Jean Dandrésy)

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