 Les virtuoses du XIXème siècle trouvaient beaucoup plus souvent pour accompagner leurs récitals dans certaines localités un petit groupe d'instrumentistes, souvent amateurs, voire un simple piano, plutôt qu'un orchestre complet. C'est cette réalité pratique qu'illustre la majorité du premier CD ici présenté, avec des œuvres du violoniste virtuose Ernst, en les proposant dans une version en quintette avec contrebasse. Outre la pertinence historique d'une telle démarche, on doit remarquer que ces pièces y gagnent en lisibilité et en qualité d'expression et en subtilité dans les nuances, à commencer par la célèbre Fantaisie sur des motifs de l'Otello de Rossini, hommage très appuyé à Paganini, le grand modèle de Ernst. Nous le retrouvons dans un style beaucoup plus personnel dans les pièces suivantes. Ernst fut toute sa vie un « quartettiste » acharné, défendant entre autres les derniers quatuors de Beethoven à côté des siens, tels que celui en si bémol majeur ici enregistré. Cette pièce se révèle un véritable quatuor merveilleusement écrit et expressif, où se retrouvent des échos de ses contemporains Schumann, Mendelssohn, Goldmark, et non le concerto en miniature qu'on pouvait redouter. La série des pièces accompagnées au piano occupe la totalité du deuxième CD (et la toute dernière plage du premier), en nous révélant un compositeur qui y cultive une extrême expressivité, dans une série de petits bijoux à la sonorité précieuse et délicate qui, s'ils évoquent fortement le Schumann des Märchenbilder, ne sont pas sans préfigurer avec génie les extraordinaires petites pièces (Romance, Berceuse, Elégies) que Saint-Saëns consacrera à la même formation plus d'un demi-siècle plus tard. Les« Pansé Fugitives » (sic ! ! !) et le Grand Duo sur le Pré au Clerc témoignent du goût d'Ernst pour la création d'œuvres très réussies en collaboration avec des amis pianistes tels que (respectivement) Stephen Hiller (1813-1888) et Christian Ludwig Schunke (1810-1834). Un récital de délicieuses découvertes servies par des interprètes hors-pair. (Jean-Michel Babin-Goasdoué)  Heinrich Wilhelm Ernst’s early encounter with Niccolò Paganini turned out to be a key experience for the young musician. He was allowed to play for the master violinist, who prophesied him a great career. The paths of the two virtuosos repeatedly crossed in Europe’s music capitals, and their lives continued to be intertwined. As an artist of the romantic era, Ernst was not content merely to copy Paganini’s artistry; rather, he comes across to the listener as an independent and profound musician. The manner of the thematic-motivic work in the first movement of his String Quartet No. 1 attests to his thoroughgoing occupation with harmony and counterpoint. The present double CD brings together not only Ernst’s original compositions for violin and piano and his String Quartet No. 1 but also arrangements of his works prepared by two artists heard on this recording: Thomas Christian and Hans Winking. This corresponds to Ernst’s own performance practice: he presented his pieces not only with piano and orchestra but also in string quartet and string quintet ensembles. Our double CD concludes with Wieniawski’s »Reverie,« which he dedicated to his friend and quartet colleague Ernst in memory of their joint performances. The circle traced here thus embraces Ernst’s violinistic virtuosity as well as his love of chamber music.

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