On a parfois écrit que l’aventureux Trio d’Enesco, aux harmonies fuyantes rapportées de son exil roumain durant la Grande Guerre, anticipait les vaticinations du Trio tardif de Gabriel Fauré, composé contre la surdité sept années plus tard. Le rapport entre des deux opus est incertain, d’ailleurs le Trio Enesco, s’il souligne les influences françaises qui ont définitivement éclairé la palette du compositeur de "Vox Maris", fait entendre les saveurs harmoniques définitivement balkaniques qui pimentent l’œuvre, si absente de la "Sérénade lointaine" de 1903, qui elle pourrait être déviée d’une mélodie de Fauré. Et le Trio de ce dernier ? Les Enesco ne se perdent pas dans ses méandres, ceux d’un delta harmonique si touffu, ils l’éclairent sans amoindrir ses bribes de mélodies déchirantes, ils l’emportent vers cette nuit auditive qui autorise toutes les audaces, version majeure d’une œuvre qui en déconcerta tant. (Discophilia - Artalinna.com) (Jean-Charles Hoffelé)  Ces jeunes interprètes d'outre-Rhin ne donnent pas dans le facile. On enregistre peu le tardif trio de Fauré, et encore moins – mais ce n'est quand même pas tout à fait ici une première au disque - celui de son élève dont cette formation a pris le nom, Enesco (plus connu pour ses sonates violon-piano, voire ses quatuors avec ou sans clavier). Composé à 35 ans, son trio est assez inclassable. Le livret du disque (non traduit en français) veut à tout prix y dénicher des échos de folklorisme roumain. Nous y entendons bien davantage la marque de quelque école post-franckiste ou pré-impressionniste, parfois quelque chose d'un Chausson dont les ardeurs pararomantiques resteraient sur la réserve. Quant à Fauré, son trio était une commande de son fameux éditeur Durand, et chant du cygne qu'à la place du violon il avait également songé confier à la clarinette : quelque chose d'un crépusculaire dernier opus post-brahmsien ? Là, les Enescu (trop tendres ?) semblent paralysés par l'enjeu : premier allegro pas assez frémissant, tout tendu qu'il doit être vers son accord final; andantino pas assez dansant, il faut y garder le sens de la barcarolle; dernier allegro pas suffisamment vivo, on réclame toute la fougue juvénile dont la vieillesse émue est capable. Cela dit, à chacun sa vision, car c'est tout de même fort bien joué. Et assassinons plutôt l'éditeur : CD de seulement quarante-cinq minutes ! Pour le reste, on peut se reporter au trio de Fauré de deux intégrales de musique de chambre du maître (avec au piano Jean Hubeau ou Jean-Philippe Collard), ou encore à l'ancienne version avec Jean Doyen et les Pasquier. (Gilles-Daniel Percet)

|