 « Maintenant que j’ai écouté Cor de Groot, je peux mourir en paix », déclarait, en 1936, Emil von Sauer, ancien élève de Liszt et membre du jury au concours de piano de Vienne. Il saluait ainsi les débuts d’un pianiste néerlandais qui fut mondialement reconnu comme un des interprètes majeurs de sa génération, mais dont la carrière de concertiste allait s’interrompre en 1959 à cause d’une pathologie nerveuse le privant de l’usage de la main droite, même s’il s’en remit plus tard. C’était aussi un compositeur s’illustrant de multiples façons (musique pour piano, de chambre, de ballet, concertos, symphonie, pièces vocales…), et, en tant que directeur musical à la radio néerlandaise, un promoteur de la musique contemporaine de son pays. C’est au compositeur que s’adresse avant tout l’hommage rendu ici, tant à travers des œuvres conçues pour les deux mains, qu’à travers des pages qu’il consacra à la seule main gauche. Certaines sont elles-mêmes des hommages qu’il rendit explicitement à des créateurs qu’il admirait (Mompou, Albeniz, Godron, Gilels). Ou constituent des albums de miniatures (mettant en valeur des danses, des formes rythmiques, ou des atmosphères « hollandaises ».) Jazz, musique espagnole, influence de Bartok par exemple, danses populaires colorent tout cela. Belle poétique de la sobriété et de la répétition (presque minimaliste) dans les « Apparitions » de 1960. Facétie et humour à la Poulenc dans « Tirage pour trois mains » et dans la « Suite française sur des thèmes de Godron ». Autre forme d’hommage : des œuvres écrites pour la main gauche par d’autres compositeurs néerlandais plus âgés ou plus jeunes que lui et qui lui furent spécialement dédiées : caractère elliptique et pourtant brillant des préludes de Lilien, inflexions debussystes de Orthel, laconismes résonants de Bon. Confrontation intéressante de pièces des trois membres de la « tribu » Andriessen (oncle et neveux) toutes parfaitement contemporaines (1960-61) : à la grande ingénuité des belles petites mécaniques rythmiques du moins connu des trois, Jurriaan (1925-1996) font écho les frappes répétées de « Fracas » de Louis, disparu en 2021, contrastant avec les touches sonores plus étales de ses deux « Promenades ». Très belle interprétation des deux interprètes qui livrent un émouvant témoignage de leur rapport au compositeur (J. Bogaart) ou à l’œuvre (F. Nauta, le plus jeune, qui s’est plus particulièrement consacré aux œuvres des autres compositeurs). À découvrir. (Bertrand Abraham)  Several first recordings in a unique collection celebrating a landmark figure in 20thcentury Dutch piano history. The name of Cor de Groot (1914-1993) adorned the cover of many LPs of canonic concertos and sonatas throughout the 1950s, when his qualities were summed up in High Fidelity magazine in a review of the first two concertos of Beethoven: ‘De Groot is a solid and sympathetic interpreter in the Central European tradition... His playing impresses with its substance and authority rather than with ostentation and glitter.’ Some (though not yet all) of those recordings have received modern reissues on CD, but his own compositions have received comparatively little attention. An early Sonatina pokes fun at serial technique, before an Old Holland Suite deftly sketches a sequence of 11 Dutch landscapes and portraits. A sequence of five Homenajes documents his fondness for Spain, played here by its dedicatee Jacob Bogaart. Folke Nauta likewise became a friend and colleague of de Groot, making him an ideal pianist to record the repertoire for left-hand piano which the composer wrote once a long term injury to his right hand had derailed his career at the end of the 1950s. Eastern European influences such as Bartók can be found in most of the seven movements of Apparitions, while a trio of later miniatures such as Cloches dans le matin (1979) makes a virtue of simplicity. Between them, Nauta has made an imaginative selection of music written for de Groot, as a left-handed pianist, by friends and colleagues including Willem, Juuriaan and Louis Andriessen, all receiving their first recordings here. The collection ends on a note of personal homage and affection with EnCor, which Jacob Bogaart wrote in 2013 as a reminiscence of his improvisation and practice sessions with de Groot. Both pianists contribute substantial essays to the booklet, which is further enhanced by a memoir of the pianist by the curator, musicologist and producer Frits Zwart: ‘I was, of course, impressed by this worldfamous pianist,’ he recalls, ‘a very ordinary man in his doings, also in his outward appearance. Nothing about him betrayed the great artist.’

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