 Deux jeunes artistes suisses nous invitent à découvrir deux œuvres pour violoncelle et piano qui s’inscrivent dans les clairs-obscurs de la musique de Brahms et sa dévotion à l’endroit de J. S. Bach. Ce n’est donc pas une surprise de trouver ici la première Sonate en Mi mineur du Hambourgeois, avec en son troisième mouvement une allusion à l’Art de la Fugue de Bach, dans une interprétation aussi méticuleuse que sensible, qui ne saurait toutefois égaler pleinement les versions de Starker-Sebök (Erato) ou Fournier-Backhaus (Decca). Tout l’intérêt de l’enregistrement se reporte alors sur les deux autres sonates. Julius Röntgen (1855-1932), fervent supporter germano-néerlandais de Brahms composa 14 sonates pour violoncelle et piano entre 1872 et 1931, dont 3 dédiées à Pablo Casals dont il était l’accompagnateur avisé. La cinquième, en Si mineur, de 1907, commence par un thème lyrique au violoncelle, précédant un second thème truffé de demi-tons, tandis que les trois mouvements suivants oscillent entre une énergie rageuse au piano et le contrechant lyrique du violoncelle, jusqu’à l’apaisement que marque, au terme du Molto passionato e vivace final, une citation de l’ultime chœur de la Passion selon Saint Matthieu. Heinrich von Herzogenberg (1843-1900), viennois d’ascendance bretonne (Picot de Peccaduc, au Grand-Fougeray), initialement admirateur de Wagner, fut ramené au classicisme le plus intègre par son amour des œuvres de Bach, notamment de ses Cantates. Entre 1866 et 1895, il composa trois sonates pour violoncelle et piano dont les artistes suisses interprètent ici la première. Une œuvre dont le premier mouvement est tout de virilité et de tendresse, et dans lequel chaque mesure accroît cette ferveur, avant un Adagio central sombre et intense, qui contraste avec l’Allegro moderato con variazioni final passionnément rythmique. Nos interprètes suisses sont particulièrement habiles à faire entendre la permanence de l’art contrapuntique de Bach. Découverte indéniable. (Jacques-Philippe Saint-Gerand)  Surtitré "Lieber Freund", ce CD nous donne à entendre trois sonates pour violoncelle et piano composées par Brahms et deux membres éminents de son "cercle", Julius Röntgen et Heinrich von Herzogenberg. Le souvenir de J.S. Bach semble avoir hanté les trois compères, le troisième co-fondateur de la Bach-Verein, le second citant une partie du choeur final de la "Passion selon St Matthieu" dans le quatrième mouvement de sa 5ème sonate ici proposée, le premier une quasi-citation de"'L'Art de la Fugue" dans le troisième mouvement de sa 1ère sonate également au programme. Isabel Gehweiler et Fiona Hengartner semblent s'être inspirées dans leur interprétation de la maxime de l'Oracle de Delphes "Rien de trop" ce qui nous vaut par exemple un allegro initial de la 1ère sonate de Brahms vraiment non troppo, ainsi que prescrit, avec un gain de poésie remarquable. Il n'est jamais question, dans une démarche narcissique, de briller mais uniquement de servir les oeuvres. L'ennui est que la prise de son a placé le piano légèrement en retrait avec l'avantage certes de permettre au violoncelle de s'épanouir mais au détriment de l'équilibre sonore dans des pages où le clavier est loin d'être cantonné à un rôle de simple accompagnateur. (Michel Lorentz-Alibert)  In 1874, Heinrich von Herzogenberg (1843-1900) hosted a Brahms festival in Leipzig, where the two men became friends. Brahms (1833-1897) also met Julius Röntgen (1855-1932) there. Subsequently, the three men rubbed shoulders in what became known as the Brahms circle. Brahms was a central figure in this professional and friendly network, from which he benefited in many ways. Between 1874 and 1892, he sent almost all his manuscripts to Elisabeth von Herzogenberg (1847-1892), his former piano pupil who married Heinrich von Herzogenberg. He took her advice most readily, along with that of the pianist and composer Clara Schumann, another leading figure in the circle. The group’s meetings allowed Brahms to try out works before they were premiered or published. In addition, Elisabeth von Herzogenberg’s exceptional memory and talent as a pianist enabled her to perform unpublished pieces she had heard, thus promoting their diffusion. This network was essential to Brahms’s recognition, but its role is little known as its members, dominated by ideas of genius and inspiration, blotted out the traces of their help to let their idol shine alone. [..] With this programme, Isabel Gehweiler and Fiona Hengartner shed light on the circle that played a decisive role in bringing Brahms into the repertoire but also produced other top-quality composers who had unjustly fallen into oblivion. Let us not forget that Joachim placed the works of Heinrich von Herzogenberg just after those of Brahms and believed that Röntgen could become one of the great masters in the history of music.

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