 Ils ont franchis le guet. Après deux albums consacrés à l’empire des castrats (Guadagni, puis Porpora), Iestyn Davies, Arcangelo et Jonathan Cohen entrent chez Bach. Pour les seconds ils y sont depuis leur fondation, mais l’enfant du Yorkshire y est venu au disque voici relativement peu, contre-ténor dans une Johannes Passion pour le même éditeur. Le voici gravant trois Cantates dont deux où les contralto, d’ Hilde Rössel-Majdan à Aafe Heynis en passant par Maureen Forrester et Janet Baker, ont mis leurs timbres uniques mais surtout leurs génies. Révolution de l’interprétation historiquement informée oblige, les altos masculins s’en sont emparés – Iestyn Davies y ajoute "Ich habe genug" - mais dès l’entreprise pionnière de Nikolaus Harnoncourt et de Gustav Leonhardt, Paul Esswood importa ici son allemand exotique : le contre-ténor allemand n’existait alors simplement pas, ou du moins plus. Iestyn Davies, plus formé à Haendel, que ce soit à la chapelle ou au théâtre comme l’a prouvé récemment un désarmant David, y rappelle plutôt Deller qu’Eswood, question de timbres, d’art du mot, de ligne, et même d’aigus, agile et lunaire à la fois, comme si, à l’imitation de Deller justement, il mettait dans les textes paraboliques des Kantaten les émotions des Songs de Dowland ou de Purcell. Certains crieront au détournement, pas moi, qui entends ce timbre magique et cet art discret se fondre dans les (trop ?) jolis décors d’Arcangelo. Refermant l’album, me prends une irrésistible envie de réentendre "Vergnügte Ruh’, beliebte Seelenlust" par Deller et Leonhardt…. (Discophilia - Artalinna.com). (Jean-Charles Hoffelé)

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