Le célèbre Ordo Virtutum, l’œuvre de Hildegard von Bingen sans doute la plus connue de nos jours, et l’unique drame liturgique médiéval à nous être parvenu, dont l’auteur soit identifié. Une musique qui n’a pas fini de fasciner, même après plus de 850 ans, qui traite du combat des vertus contre le vice. Hildegarde von Bingen incarne, dit-on, l’écartèlement entre « ordre de la parole sacrée » et « quête d’une jouissance lyrique », écartèlement qui, dans l’Église, informe tous les débats anciens sur le rapport entre parole et chant, renvoyant en dernière instance au dualisme âme - corps. L’« Ordo virtutum » est en fait la représentation redoublée de cette tension, puisqu’il expose en une œuvre reposant sur la dualité texte/musique les tiraillements de l’âme entre démon et vertus. La présente interprétation nous vient du Canada : les « Filles de l’Île », regroupe « douze jeunes filles passionnées par le chant choral, dont la majorité a un oslide bagage musical, sous la direction de M. G. Patenaude ». Leur répertoire très étendu va du Moyen-Âge à des compositions de leur chef, en passant par Fauré, Brahms, Weill, de Falla, Caplet…Harpe et flûtes à bec les accompagnent ici. Instrumentarium un peu terne, parfois triste et criard, qui manque de chaleur, ne rend pas bien les tensions inhérentes à cette musique. Le chant reste trop plat et droit, les voix un peu approximatives et ternes (est-ce la prise de son ?) On croit parfois entendre des moniales processionnant derrière un rideau. Cette lecture se situe bien loin de celle de l’ensemble Sequentia, superbe et riche, sensuelle et spirituelle à la fois, tendue et calme, nerveuse et extatique. (Bertrand Abraham)
|