On aura mis tellement chapeau bas devant le génial Portal que ses chaussures doivent sentir rudement la brillantine. Du classique au jazz le plus free, ce furet transfrontalier de la clarinette dans tous ses états (mais aussi du saxo, et jusqu'au bandonéon) est à ce point passé partout qu'il repassera sûrement par là, où l'attend encore notre jubilation nue. Comme ici où pendant plus d'une heure, en festival à Grenoble, l'entourent ces deux parfaits complices sans rien qui pose, pèse ou frime que sont le fin et aérien batteur-caresseur tendance vichnou dans sa brassitude Roland Auzet (oui, c'est aussi l'homme de théâtre, ayant par ailleurs travaillé avec Xenakis) et le très exact et discret Pierre Jodlowski à la machinerie électronique (un familier de la musique contemporaine et de l'IRCAM). Bref, pas du tout infernal, un trio paradisiaque pour cette longue séance d'une vraie improvisation sensible et intériorisée, d'autant que toute dans la subtilité de l'écoute réciproque la plus respectueusement amicale. Parfois, parmi le feu de pierreries éparses de cette modernité assumée, notre grand souffleur n'est pas sans faire remonter vaguement jusqu'à la réminiscence ellingtonienne, noblisse oblège comme diraient les frères Dupondt. La captation vidéo, dans son multicamérisme sagement modéré, réussit par surcroît à scénariser un peu tout cela sans importuner, mais malgré tous les correctifs ''upscaling'' du monde d'un appareil lecteur, l'image de ce DVD aurait pu bénéficier de davantage de définition, même à grande ouverture de focale. Et la concentration de l'inspiration est telle qu'on a choisi de ne jamais une seule fois montrer le public (même votre belle-mère la plus menteuse pourra dire, j'y étais !). Concert de rêve en tout cas, jamais agressif et plutôt planant : écoutâmes-nous un songe ? Jusque dans cette intervention à la fin de la voix humaine (féminine, enfantine ?), cet hommage subliminal et plein d'humour au seigneur tango, voire en pirouette terminale – pour les oreilles faunesques car les plus affûtées – quelque allusion fine et peut-être inconsciente à la lyrique schubertienne. Bon sang, mais c'est bien sûr ! (Gilles-Daniel Percet) Un voyage musical unique pour ces trois musiciens hors du commun, qui explorent ensemble les voies du jazz, de la musique improvisée et électronique depuis 2007. Le percussioniste et compositeur Roland Auzet et le performer et compositeur Pierre Jodlowski ont invité Michel Portal, légende vivante du jazz et de lamusique improvisée à la virtuosité imaginative. Cette collaboration audacieuse se nourrit des influences de chacun, de Boulez à Stockhausen en passant par Xenakis, Coltrane et Soft Machine.
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