Moreno et Guastavino. Un Mexicain qui s’imposa l’exil à Barcelone, et un Argentin qui ne quitta guère Buenos Aires. Le premier (qui ne composa que dans sa jeunesse avant de devenir un écrivain et un critique d’art reconnus) intellectualise. Le second croque la vie à pleine dents. Chacun resta soigneusement à l’écart des impasses musicales du XXème siècle. Les mélodies de Moreno, intimistes, exhalent une mélancolie très brahmsienne. Celles de Guastavino taquinent sans arrière-pensée la muse légère et séduisent par leurs couleurs et leur énergie, et ce sera la rare occasion d’entendre des poèmes de Borges mis en musique. Pour exalter deux univers musicaux aussi opposés, au même degré d’accomplissement musical, il fallait la versatilité du baryton mexicain Carlos Suaste. 65 rôles d’opera et parties d’oratorio résonnent déjà dans ses jeunes cordes vocales. Il pourrait triompher sur les plus grandes scènes du monde lyrique dans les emplois verdiens : sa technique saine, son timbre somptueux et la noblesse de son phrasé le lui autorisent. Pour le moment, son continent d’origine semble lui suffire. Deux disques magnifiques, et pas seulement pour les mélomanes curieux de répertoires rares. (Olivier Gutierrez)

Né à Santa Fe, Carlos Guastavino (1912-2000) a été l’un des créateurs musicaux les plus importants (notamment dans le domaine de la mélodie) en Argentine. Son style, tonal et d’un romantisme luxuriant, se fonde entièrement sur la musique populaire argentine. Ses pièces impressionnent immanquablement le public ; elles sont devenues un passage obligé de la musique hispanique pour voix. Carlos Guastavino est peut-être l’incarnation du romantisme national argentin. D’abord, son langage musical est fortement ancré dans la tradition romantique de la fin du XIXe siècle, et demeure assez unique par son geste classique en dehors de toute avant-garde. Le compositeur argentin veut avant tout écrire une musique attrayante, toujours fraiche et touchante. Son catalogue compte plus de cent cinquante mélodies pour voix et piano. (Pierre-Yves Lascar)